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sible ; hâtons-nous de dire qu’il n’a guère été amélioré au xvie siècle et que la Vulgate, telle que l’emploie chaque jour l’Église catholique, est un ramassis de leçons défectueuses et incohérentes. Quoi qu’il en soit, M. B. a ajouté sa petite part de découvertes à celles qu’avaient déjà faites ses devanciers. Dans son travail, écrit avec une élégante précision, nous noterons surtout les pages relatives à la correction de la Bible du xiiie siècle, correction confuse et faite sans critique par des copistes dont il faut louer moins le savoir que les intentions, et que l’ordre des frères Prêcheurs lui-même, en dépit du savoir de quelques-uns de ses membres (nommons seulement le célèbre Hugues de Saint-Cher), ne sut pas mener à bonne fin. Le travail fut repris par le célèbre Roger Bacon, et M. Berger est tenté, à bon droit semble-t-il, d’attribuer à ce célèbre docteur des épîtres anonymes renfermant des notes sur bon nombre de passages corrompus de la Vulgate ; en tout cas, l’une des œuvres les plus importantes que nous possédions en ce genre, le Correctorium Vaticanum, est l'œuvre de Guillaume de Mara, frère mineur d’Oxford et disciple de Bacon. Ces efforts méritoires, ceux de Nicolas de Lyre qui ne sut pas rester fidèle à son premier propos, et qui, après avoir tenté l’explication littérale de la Bible, en revint à l’explication figurative, demeurèrent inutiles, et le texte de la Vulgate resta ce qu’il avait toujours été, corrompu et défectueux. M. Samuel Berger termine par une réflexion à la fois juste et fine ; c’est aux rabbins juifs que les docteurs catholiques ont emprunté la plupart de leurs corrections, ce qui ne pouvait manquer de les affermir dans leur goût pour le sens figuré, si cher aux écoles talmudiques ; on peut regretter que l’ignorance de la langue grecque ne leur ait pas permis de combattre cette tendance ; il faudra attendre le xvie siècle pour trouver en Érasme un interprète plus raisonnable de l’Écriture.

La thèse française de M. S. Berger porte pour titre : Histoire de la Vulgate pendant les premiers siècles du moyen âge (Paris, Hachette, in-8o, xxiv et 443 pages). À vrai dire, l’auteur étudie principalement la recension de la Bible à l’époque carolingienne, les origines et le sort de ce grand travail. Disons tout d’abord que l’ouvrage est du plus haut intérêt, notamment pour l’histoire du grand mouvement intellectuel, qu’on appelle généralement la renaissance carolingienne. M. B. n’a rien épargné pour voir et étudier par lui-même les textes les plus importants, et, s'il n’a pu collationner en entier tous les manuscrits examinés par lui (plusieurs vies d’hommes ne suffiraient pas pour cette tâche fastidieuse et probablement superflue), il en a vu assez pour reconnaître l’origine du texte de chaque livre dans chaque copie particulière. À l’époque primitive, au temps des Mérovingiens,