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de la paix, il marque aussi celles du droit urbain. Dans l’intérieur de l’enceinte, dans ce que les textes flamands appellent la cuve de la ville, hommes et terres, dès le xiie siècle, participent au même jus civile. La condition des personnes comme celle des biens-fonds s’y égalise et s’y unifie. Les deux textes suivants sont à cet égard d’une précision admirable : Omnes qui infra murum Sancti Audomari habitant et deinceps sunt habitaturi, liberos a cavagio, hoc est a capitali censu et de advocationibus constituo[1]. — Omnes possessiones que teutonice Wuorth vocantur, que infra fossam vestram continentur, unius juris sunt[2]. Ainsi, grâce à la paix, la ville forme maintenant, à tous les points de vue, un territoire juridique[3]. Qui en franchit les portes se trouve régi par son droit. Qui y établit sa résidence pendant an et jour lui appartient. Il ne s’agit plus de jus mercatorum, mais de jus oppidi. Ce n’est plus la profession habituelle, c’est le domicile qui constitue la condition sine qua non de la bourgeoisie. L’air de la ville rend libre, dit un brocard allemand : die Stadtluft macht frei. La qualité de bourgeois ne s’acquiert pas, comme celle de civis dans l’antiquité, par la naissance. Elle n’est pas personnelle et indélébile. Celui qui l’a reçue peut l’abandonner, mais alors il « convient qu’il voist manoir hors du lieu de le commune et en ceste maniere se pot il metre hors de le compaignie et des fres de le commune[4]. »

Du reste, ni la paix ni le droit de la ville ne sont restés enfermés dans les murailles. En règle générale, ils ont débordé au delà et se sont répandus à un territoire plus considérable, à la banlieue. De même que l’étendue de la banlieue est fort variable, de même ses origines sont fort diverses. Elle coïncide en certains endroits avec

  1. Giry, Saint-Omer, p. 373.
  2. Charte de Medebach. Gengler, Stadtrechte, p. 283. Add. Charte de Soest : Omnes aree censuales infra oppidum unius sunt juris. Ibid., p. 443.
  3. Naturellement, les seigneurs particuliers, laïques ou ecclésiastiques, ont essayé d’empêcher le droit urbain de s’étendre à leurs terres et à leurs hommes. C’est pourquoi les premières paix sont fort souvent établies « sauf le droit des chevaliers et des églises. » Voyez Charte d’Abbeville, Monum. de l’hist. du tiers état, IV, p. 9. L’existence des seigneuries particulières et des immunités a été une des causes principales des conflits qui ont troublé si fréquemment les villes au xiie siècle. Au xiiie siècle, on voit les bourgeois les racheter à leurs détenteurs. Exemples dans Monum. de l’hist. du tiers état, I, p. 188, 203, etc.
  4. Beaumanoir, éd. Beugnot, I, p. 317. Ce texte explique en même temps le droit d’issue. Voy. Monum. de l’hist. du tiers état, III, p. 486 ; IV, p. 68. À Beauvais, le droit d’issue à payer par le bourgeois sortant de la commune était calculé sur les trois dernières tailles imposées sur les bourgeois, et sur les sommes que la commune avait à payer pour être entièrement libérée de ses dettes. Labande, Beauvais, p. 106.