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une circonscription judiciaire, ailleurs avec une circonscription rurale. Ailleurs encore elle semble être purement artificielle. Quoi qu’il en soit de ces questions difficiles, dont nous n’avons pas à nous occuper ici, on ne doit, semble-t-il, considérer la banlieue que comme un développement postérieur du territoire de la paix urbaine[1]. Le droit qui y règne n’est, en effet, qu’un affaiblissement de celui de la ville[2]. Il y a, à ce point de vue spécial, entre la ville et la banlieue, un rapport analogue à celui qui existe entre l’église et son cimetière. Et si l’on voulait pousser plus loin la comparaison, on pourrait faire remarquer que la paix de la banlieue, comme celle du cimetière, est symbolisée par la croix[3], tandis que la ville, comme l’église, dresse une tour dans les airs : le beffroi, la tour de la paix[4].

Le beffroi n’est pas seulement le symbole de la paix, il est aussi le symbole de la commune[5]. C’est que, en même temps qu’elle devient un territoire juridique, la ville devient une unité politique. Réunis dans la participation à un même droit, ses habitants le sont davantage encore par le lien corporatif qui s’établit entre eux. Ils forment un corps, une universitas, une communitas, une communio[6]. Solidaires les uns des autres, ils constituent les parties inséparables d’un même tout. La ville ne consiste pas en une simple collection d’individus : elle est elle-même un individu[7]. Les bourgeois ne l’habitent pas ut singuli[8]. Ils sont, en quelque sorte, la ville elle-même.

  1. Qui extra fossam vestram hominem occiderit infra bannum, quem nos paci nostre addiximus, 60 sol. vadiabit advocato et 10 sol. civibus. Charte de Medebach. Gengler, Stadtrechte, p. 283.
  2. Si quis intra villam hominem armis vulneraverit et testibus convictus fuerit, 10 lib. solvet… Qui infra banni leugam hominem armis vulneraverit, si convictus duobus testibus fuerit, 100 sol. dabit. Giry, Saint-Omer, p. 388. Cf. Charte de Medebach, §§ 5 et 8. Gengler, Stadtrechte, p. 283.
  3. Pour les croix plantées aux limites de la banlieue, voyez Flach, op. cit., II, p. 183. Ces croix sont des croix de paix. Von Below, Ursprung, p. 35, n. 1.
  4. On sait que l’étymologie du mot « beffroi » est « berg-friede. »
  5. Quand une commune est supprimée, régulièrement son beffroi est démoli.
  6. Les mots universitas, communitas, communio, communia, désignent la commune en général et non spécialement la commune urbaine, la commune jurée. Toutes ces expressions sont parfaitement synonymes. Voyez par exemple Monum. de l’hist. du tiers état, I, p. 316. Hegel, Städte und Gilden, II, p. 55. Gierke, Genossenschaftsrecht, III, p. 679, n. 1, 12 ; 694, n. 16, 17. Il n’y a donc pas lieu de faire une différence entre les villes à commune et les autres villes. En réalité, au sens juridique du mot, toutes les villes ayant une organisation municipale sont des communes, aussi bien en France qu’en Allemagne.
  7. La commune, dit M. Gierke, op. cit., III, p. 590, est Gesammteinheit et non Gesammtvielheit.
  8. Non faciunt universitatem seu etiam unum corpus, sed ibidem ut singulares commorantur, nec habent communiam, nec sigillum, nec campanam,