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Dès lors, on doit le considérer, semble-t-il, comme une création nouvelle. Le principe que le bourgeois doit être jugé dans la ville suffit à l’expliquer. Car ce principe essentiel, sans lequel la ville du moyen âge est incomplète, suppose nécessairement, comme corollaire, l’érection d’un tribunal urbain. En octroyant ce privilège, le seigneur, du même coup, en accepte les conséquences. Du jour où il reconnaît officiellement la ville comme un territoire juridique, il consent, par là même, à ce qu’elle possède ses juges particuliers. Spectat ad libertatem oppidi, dit la Keure de Gand, ut in eo tredecim habeantur scabini, quorum judicio omnes causae rei publicae tractabuntur[1].

On comprend facilement que nos renseignements sur les tribunaux urbains ne remontent pas à une époque fort ancienne. Nous ne savons presque rien d’eux pour la période antérieure à la concession des chartes communales. C’est qu’en effet leur existence légale ne date que du jour où la ville obtient sa lex. Auparavant, si les communes ont possédé quelque juridiction, ce n’a pu être qu’à titre précaire et moyennant la tolérance ou la bonne volonté du seigneur. Il a dû exister alors une période de transition dont le détail nous échappe. Le droit urbain s’élabore au milieu des tâtonnements et des tentatives faites pour créer un état de choses définitif. Peut-être les marchands ont-ils parfois exercé entre eux une certaine juridiction. Plus vraisemblablement les cours de justice, publiques ou domaniales, se sont inspirées plus ou moins complètement des principes du droit nouveau. Mais on peut affirmer qu’il n’y a pas eu d’organisation judiciaire municipale digne de ce nom, avant que, par la reconnaissance de sa paix et de son jus civile, la ville ne soit devenue un territoire juridique[2].

    ville essentiellement local. On trouve d’ailleurs dans certaines villes (en Flandre par exemple) l’échevinage urbain coexistant avec l’ancien échevinage territorial. Si le mot scabinus a été employé dans plusieurs contrées pour désigner le membre du tribunal municipal, c’est que ce mot était devenu synonyme de judex. Il existe, en effet, dans un grand nombre de villes flamandes, des échevinages de quartiers, et personne ne pensera certainement à considérer ces échevinages comme d’anciens tribunaux carolingiens.

  1. Warnkœnig-Gheldolf, Hist. de Flandre, III, p. 227.
  2. Il ne s’agit naturellement pas de croire que l’organisation judiciaire dans les villes a été brusquement transformée quand celles-ci sont devenues des circonscriptions judiciaires indépendantes. C’est à l’histoire locale qu’il appartient de montrer comment, à la longue, un nouvel état de choses s’est substitué à un état de choses ancien. Les chartes urbaines, nous l’avons dit, ont ratifié plutôt que créé les constitutions municipales sous la pression de nécessités nouvelles ; la juridiction a dû prendre peu à peu, dans les villes, un caractère de plus en plus municipal. Nous avons vu, à Dinant, les monetarii