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Nous n’avons malheureusement presque aucun détail sur la manière dont les marchands se sont fixés dans les villes. Il est possible toutefois de reconstituer certaines particularités de leur genre de colonisation. Tout d’abord, on remarque que partout le suburbium, l’urbs nova, se bâtit sous les murs du castrum primitif. C’est là que l’on rencontre le marché, le forum, autour duquel se groupent les maisons et les hangars des immigrants[1]. Nous avons déjà vu plus haut que, dans certains cas, l’agglomération marchande est entourée d’une muraille[2]. De très bonne heure, cette agglomération est assez importante pour avoir son église spéciale. Au xie siècle, il existe dans plusieurs localités une ecclesia mercatorum[3]. Naturellement, le sol sur lequel se bâtit le suburbium se trouve, suivant les localités, dans les conditions les plus variées. Il peut faire partie d’une immunité ou d’un grand domaine[4] ou bien encore relever directement d’un comte ou d’un vicomte. Il arrive même qu’il comprend des terres soumises à des droits différents[5] et ressortissant à des juridictions distinctes.

    véritables capitalistes dans les villes. Voyez Flach, op. cit., p. 369. Waitz, op. cit., V, 394 (éd. Zeumer). — M. von Below, Ursprung, p. 48 et suiv., va beaucoup trop loin en n’admettant pas l’existence au moyen âge de marchands de profession. Il y a eu certainement alors un bon nombre de gens qui, sans être propriétaires fonciers, ont fait leur fortune par le seul exercice du commerce et de l’industrie. Le Cartul. de Dinant, I, p. 13, parle des hommes qui de mercimoniis suis vivunt, cujuscumque officii. M. Flach, p. 369, n. 3, fournit un exemple excellent : Erat nutem Vizeliaco quidam, qui dicebatur Hugo de S. Petro, advena, genere et moribus ignobilis, quem natura inopem protulerat, sed manus arte docta mechanica locupletem effecerat. Add., Miracula S. Rictrudis AA. SS. Boll., mai, III, p. 111. Bon nombre de marchands ont dû se trouver dans la même situation que les Juifs, qui, incapables de posséder le sol, se sont enrichis par le commerce.

  1. Voyez le plan de Bruges cité p. 74, n. 1, et joignez les plans de Münster, Osnabrück, Paderborn, Minden, publiés par Philippi, Zur Verfassungsgeschichte der Westfälischen Bischofsstädte. À Mons, la porte du château s’ouvrant sur la ville s’appelle porta fori. Gislebert, op. cit., p. 98.
  2. Voyez p. 73, n. 11.
  3. Waitz, op. cit., I, p. 404 (éd. Zeumer). — Ecclesia civilis à Utrecht. Vaderl. mus., IV, 138. — Les statuts primitifs de la gilde de Saint-Omer, éd. Gross, The gild merchant, I, p. 290, indiquent aussi dans cette ville l’existence d’une église de marchands. Cf. Frensdorff, Stadtverfassung Hannovers, p. 12.
  4. Voyez Cartulaire de Saint-Père de Chartres, p. 25. — Inama-Sternegg, op. cit., II, 93 n. Galbert de Bruges (éd. Pirenne), § 55. Charte de Saint-Omer, § 19.
  5. Voyez dans Waitz, Urkunden zur deutschen Verfassungsgeschichte (2e  éd.), p. 37 et suiv., l’opposition marquée entre les claustrales sedes et la mancionaria terra relevant de la forensis potestas. À Dinant, la plus grande partie du sol de la ville est placée directement sous le pouvoir du comte et ne dépend pas du droit domanial, Pirenne, Dinant, p. 4. À Arras, tout le sol de