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prendre, au début, la plupart des mercatores de la ville, c’est-à-dire tous ceux des habitants vivant de vente et d’achat. Refuser d’y entrer, c’eût été se mettre dans un état d’infériorité manifeste et renoncer de gaîté de cœur à de précieux avantages. Les statuts de la gilde de Saint-Omer disent que le marchand qui refusera de faire partie de la corporation ne pourra réclamer d’elle nul secours, soit en cas de vol ou de perte de ses biens, soit en cas de provocation à un duel judiciaire[1]. Plus loin, le même texte déclare qu’il est loisible aux membres de la gilde d’acheter une marchandise, même après que le vendeur en a fixé le prix avec un tiers, pourvu que ce tiers soit étranger à la gilde[2]. D’ailleurs, si la gilde avait eu dès l’origine un caractère aristocratique et exclusif, on en trouverait trace dans les sources. Or, on n’y constate rien de semblable. Dans le statut de Saint-Omer, les exclusions visent les clercs, les chevaliers et les marchands étrangers[3]. Quant au marchand indigène, loin qu’on tente de le repousser, il semble même qu’au contraire, on cherche tous les moyens de le faire entrer dans la gilde[4].

Ainsi, tous les mercatores, négociants en gros, colporteurs ou simples artisans, forment à l’origine une vaste association. Cette association a sa vie propre et apparaît très anciennement comme une véritable personne morale. Elle a ses doyens, son notaire, ses custodes. Elle possède un local commun, la Gildehalle, dans lequel ses membres se réunissent tous les soirs pour boire en compagnie et pour délibérer sur leurs intérêts. Pendant ces assemblées, qui portent le nom caractéristique de potationes, les chefs de la corporation sont revêtus de pouvoirs disciplinaires. Ils prononcent des amendes, dont le produit, joint aux cotisations payées par les frères, alimente la caisse de la société[5].

Il est hautement intéressant de constater que cette caisse ne sert

  1. Si quis mercator manens in villa nostra vel in suburbio in gildam nostram intrare voluerit, et pergens alicubi deturbatus fuerit, vel res suas amiserit, vel ad duellum fuerit provocatus, omnino nostro carebit auxilio.
  2. Si quis gildam non habens aliquam waram vel corrigia vel aliud hujusmodi taxaverit, et aliquis gildam habens supervenerit, eo nolente, mercator quod ipse taxaverat emat.
  3. Inde clericos, milites et mercatores extraneos excipimus (Saint-Omer). Dans la charte de la frairie de la halle aux draps de Valenciennes (Wauters, Libertés communales, Preuves, p. 256), on voit que la gilde essaie de forcer tous les marchands à s’affilier à elle.
  4. Si quis vero non habens gildam ad potacionem venerit et ibi latenter bibens deprehensus fuerit, 5 s. dabit vel in momento gildam emat.
  5. Sur tout ceci, voyez le statut de Saint-Omer, passim. Cf. la frairie de la halle aux draps de Valenciennes. Wauters, Libertés communales, Preuves, p. 251 et suiv.