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Page:Revue historique - 1896 - tome 62.djvu/236

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pas avouer leur crime, on les a torturés ; l’aveu obtenu, on les condamne, et l’on s’en débarrasse toujours par la mort ou le bannissement.

Voilà quel spectacle le tribunal du Châtelet présente en son principe le plus simple au xive siècle. Cela est humain et conforme à la vraisemblance de l’histoire, mais cela n’a aucune rigueur de science juridique.

C’est pourquoi nous dirons, dans le cours de la description qui va suivre : « On faisait ainsi d’ordinaire, » mais nous ne dirons pas : « La règle était que… »

Ce qui caractérise en effet la procédure du Châtelet à la date qui nous occupe, c’est l’absence la plus complète de règles ; il y a quelques traditions, il n’y a aucune loi. Nulle régularité dans la poursuite des crimes. À la vérité, on ne les poursuit pas, on attend qu’une occasion propice livre un coupable à la justice ; nulle fixité dans la composition du tribunal, qui présente la variété et l’instabilité les plus extraordinaires du monde. Il n’y a que deux choses que l’on voit se répéter toujours de la même manière : la torture appliquée indistinctement à qui avoue et à qui n’avoue pas, et la peine de mort prononcée contre presque tous les accusés.

Notre style inédit du Châtelet, voulant marquer ce qui distingue la procédure du Châtelet de celle du Parlement, s’exprime de la manière suivante :

« Il n’est pas bon de prendre exemple aux jugemens ne aux emploiz de Parlement, car la court n’est liée ne obligée à aucune loy ne à aucun stille, tellement qu’elle ne puisse faire le contraire quant il lui plaist, car c’est la court capitale du royaume et le roy est empereur en son royaume et y peut faire lois et establissemens se il lui plaist, et puis les deffaire. Maiz les autres cours sont liées aux stilles[1]. »

Ce que l’auteur dit du Parlement s’applique également au Châtelet ; nous entendons en tout ceci ne parler, bien entendu, que de la procédure criminelle, n’en étant pas de même du droit et de la procédure civile. Le Châtelet suit quelques coutumes, en très petit nombre, rien autre. Il n’invoque jamais les styles, une ou deux fois à peine, et d’une manière tout accessoire, les ordonnances pour justifier une nature spéciale de supplice qu’il inflige.

  1. Style du Chât., fol. 23 vo. — Le Grand coutumier, p. 659.