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Pour trouver de quoi vivre, Angoulême était réduit, par suite, à emprunter, soit aux Anglais[1], soit à ses propres serviteurs[2]. Il acceptait jusqu’à l’argent que gagnait Collinet de son métier de tailleur[3] ; et il avouait que, bien des fois, sans le secours de cet homme, « il n’eust pas mangé de rosti[4]. »

Les princes n’achetaient, cependant, en Angleterre que ce qu’il leur était impossible de faire venir de leurs domaines. Ils buvaient le produit de leurs terroirs de Blois et d’Orléans. On leur envoyait du vin rouge, du vin blanc, du vin clairet. Le chancelier Cousinot le faisait charger sur la Loire et conduire par bateaux jusqu’à la mer. Les seigneurs riverains, sur sa supplication, accordaient, par amitié et pitié pour les captifs, l’exemption des droits de péage. — Les menus objets de toilette étaient aussi tirés de France : peignes d’ivoire, rasoirs émaillés, aux armes des deux frères, miroirs, ciseaux de Clermont, enfermés dans des bourses de chevrotin, doublées de soie, lancettes à saigner, dans leur étui. — On faisait provision de sucre de Lombardie. — Le comte avait emprunté aux châteaux patrimoniaux le linge et les draps qui lui étaient nécessaires, ses chaperons, sa garde-robe. Il avait fait transporter les tentures, les tapis, le lit et le ciel d’une chambre très simple, sans or, de laine blanche, ornée seulement d’un glaïeul brodé, auprès duquel était une femme debout[5].


IV.


Une existence aussi sédentaire et recluse, aussi monotone et besogneuse n’était guère tolérable que par le persévérant espoir, que nourrissait Jean d’Angoulême, de sortir enfin d’Angleterre.

    plées deux et deux, garnies de courroies et de soubz-ventrières, pour mettre et porter finance par devers mondit seigneur le duc [d’Orléans] et Mgr d’Angoulesrne, son frère, en Angleterre. »

  1. Brit. Mus., Addit. chart. 11826. Emprunt à Gower.
  2. Ibid. 11542. — Plut. clxxxviiic. — Bibl. nat., nouv. acq. fr. 3645 (Bastard 1282). Emprunts à Jehan de Saveuzes, Jehan de Moncy, Cognac.
  3. J. Du Port, op. cit., éd. Castaigne, p. 41. — Arch. nat., KK. 239, fol. 11 vo ; P. 1403, 1, 33. — Bibl. nat., Pièces orig. 2161, 11, no 723, 15127, no 11 ; fr. 26084, no 7095 ; 26098, no 385 ; 26090, no 410.
  4. Du Port, op. cit. : « Sans luy, il eust souvent jeusné et n’eust mangé de rosti, sinon que Collinet gaignast de l’argent de son mestier de tailleur, » p. 41. Du Port tient sans doute ce renseignement d’un des témoins interrogés en 1518, lors de l’enquête faite pour canoniser Jean d’Angoulême. Sur les sources de J. Du Port, cf. notre article Bibl. de l’École des chartes, 1895, LVII, p. 320-322.
  5. Brit. Mus., Addit. chart. 10962, 3481, 11523, 264, 267, 2807. — Bibl. nat., Pièces orig. 2157, 7, p. 509.