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jet d’un droit de propriété ? Nous avons ici à résoudre un des problèmes les plus complexes de l’histoire religieuse. Si nous examinons la formation de ce droit, nous pouvons y démêler plusieurs éléments. Le premier est le « patronage » et, par ce mot, il faut entendre un ensemble de privilèges reconnus à tous ceux qui avaient fondé ou entretenaient une église sur leur domaine. À son tour, le « patronage » s’étend ; d’autres faits en altèrent la nature ; il devient une véritable propriété. Nous devons, par l’analyse, séparer ces éléments divers. Nous verrons ainsi comment s’est constitué le « patronage » des églises et quelles transformations il a subies[1].


I. — Des églises fondées dans les domaines.


Nous n’avons aucun renseignement sur les origines du patronage. On a pensé qu’il avait été introduit en Gaule par les Germains[2]. Aucun document n’est cité à l’appui de cette thèse ; beaucoup la contredisent. On a pensé également qu’il était d’institution ecclésiastique. Mais, pas plus que la paroisse, il n’a été créé par une mesure législative. Nous ne trouvons pas de concile qui l’établisse. Les premières lois canoniques qui en parlent le trouvent constitué.

Il semble, au contraire, que le patronage des églises ait sa genèse dans un ensemble d’usages. Nous trouvons un fait à son origine : la fondation d’un sanctuaire sur un domaine. De ce fait sont sorties peu à peu les règles juridiques qui ont formé le patronage tel que l’Église l’a reconnu.

Ce fait lui-même est très ancien. Il n’est pas spécial au chris-

  1. On se sert indifféremment des mots patronage ou patronat pour désigner cette institution ecclésiastique. Remarquons cependant que les mots patrocinium, patronatus ne se rencontrent pas dans les textes avant le IXe siècle. C’est l’époque où la théorie ecclésiastique du patronage se précise. Elle n’est bien définie qu’au XIIe siècle, à la suite de la réforme grégorienne. Depuis cette époque elle n’a pas changé. On sait que le patronage des églises, tel qu’il s’est constitué alors, s’est maintenu dans certains pays jusqu’à nos jours. En France, il a disparu en 1791.
  2. Cette thèse a été soutenue par M. Stütze dans une dissertation ingénieuse : Die Eigenkirche als Element des mittelalterlich-germanischen Kirchenrechtes (Berlin, 1895). Mais il suffit de remarquer : 1o que le patronage, en général, n’est pas une institution spéciale aux Germains ; 2o que ceux-ci ont trouvé, en Gaule, des basiliques, des oratoria établis sur les domaines. Aucun raisonnement, aucune hypothèse ne peuvent tenir devant des faits.