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sément le contraire qui a lieu. La langue appelle cives, castrenes, civitatenses, castellani, les habitants des burgen et ne leur donne jamais le nom de burgenses[1]. Dans les premiers textes où cette expression se rencontre, elle s’applique à la population nouvelle et elle est synonyme de mercatores. Les burgenses sont si peu la population de la forteresse primitive au pied de laquelle la ville s’est formée que, dans la charte de Huy, par exemple, ils reçoivent le droit d’occuper le château de l’évêque pendant la vacance du siège épiscopal[2]. Dans d’autres documents, tels que la charte de Saint-Omer, les burgenses sont nettement opposés aux milites castrenses. Ainsi, s’il est évident que le mot burgensis dérive du mot burg, il ne l’est pas moins que, lorsqu’il apparaît pour la première fois dans le latin du moyen âge, il a perdu sa signification première et désigne très nettement et très exclusivement la population municipale proprement dite. Il est possible même que ce mot, en dépit de son origine incontestablement germanique, ait été tout d’abord formé en France et se soit ensuite répandu en Allemagne. C’est en France du moins que l’on en trouve, à ma connaissance, les exemples les plus anciens[3]. Or, en français, le mot bourg (burgus), dont il dérive, n’a jamais désigné comme en allemand, une forteresse[4], mais simplement une agglomération entourée d’une palissade[5].

Si je ne craignais d’allonger outre mesure cette note déjà trop étendue, je pourrais faire valoir encore d’autres arguments contre l’identification de la paix de la burg avec la paix urbaine. Je me borne

  1. Dans plusieurs châteaux du sud de la France qui, n’étant pas devenus des villes, ont conservé longtemps, durant le moyen âge, une physionomie très ancienne, les habitants sont encore appelés caselas, castlas, c’est-à-dire castellant. Voy. F. Funck-Brentano, Chartes de coutumes de Pouy-Corgélart et de Bivès, Rev. hist., t. LXV, p. 307.
  2. Waitz, Urkunden, p. 10.
  3. La première mention que j’en connaisse appartient à l’année 1007 et est relative à l’Anjou (Flach, les Origines de l’ancienne France, t. II, p. 170). En 1056, le mot se rencontre dans le nord de le France, à Saint-Omer (Guérard, Cartulaire de Saint-Bertin, p. 184). De là il se répand dans l’Empire par l’intermédiaire de la Lotharingie. On le constate à Huy dès 1066, à Cambrai en 1083, et enfin à Mayence en 1099 (Waitz, Verfassungsgeschichte, éd. Zeumer, t. V, p. 406, note 2).
  4. Dans plusieurs villes françaises, par exemple à Beauvais, à Valenciennes et à Tournai, on appelle burgus l’agglomération marchande formée sous les murs du castrum ou du castellum. Ce sont les habitants de cette ville nouvelle que l’on appelle burgenses. Cf. Flach, op. cit., II, p. 273, note 2.
  5. Chanson de Raoul de Cambrai, éd. Meyer et Longnon, vers 1390.