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Page:Revue historique - 1898 - tome 67.djvu/77

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La formation des villes s’explique donc essentiellement par des causes sociales et économiques. En suscitant dans les contrées situées sur les grandes voies naturelles de communication la formation d’une classe de marchands, la renaissance du commerce devait fatalement faire naître les villes. J’ai cherché à montrer ailleurs comment les marchands, étrangers tant par leur origine que par leur genre de vie, à la population des anciennes civitates sous les murs desquelles ils vinrent s’établir, durent nécessairement être régis par un droit et des institutions nouvelles[1]. M. Rietschel a, de son côté, insisté sur ce point essentiel avec une grande énergie. Il constate que le jus mercatorum a fait disparaître dans les villes les formes surannées de la procédure et qu’il a transformé la condition des personnes et des terres ; il montre excellemment comment la commune bourgeoise, par là même qu’elle se compose surtout de marchands, diffère profondément de la commune rurale[2]. Il admet toutefois qu’une des institutions fondamentales de la ville, je veux dire la paix urbaine, est de beaucoup antérieure à la période municipale du moyen âge. Il la considère, en effet, avec M. Keutgen, comme identique à la paix, dont on constate l’existence dès le xe siècle dans les burgen féodaux ou épiscopaux de l’Allemagne. Contenue tout d’abord dans les murs du bourg, cette paix se serait postérieurement étendue au faubourg : elle n’y serait pas née. Plus heureuse que le Hofrecht, qui est resté confiné dans l’enceinte des forteresses primitives, elle aurait fait la conquête de l’agglomération marchande, de sorte que, si dans la ville le droit civil provient du jus mercatorum, il en serait tout autrement du droit pénal.

On peut se demander si cette réserve est légitime.

Il est très vrai que dès une époque fort ancienne les burgen sont des « lieux de paix, » mais il semble bien que la paix qui y règne soit très différente de celle que les textes nous apprennent à connaître dans les villes à partir du xiie siècle. On remarque tout d’abord qu’elle a pour sanction l’amende royale de soixante sous, tandis que l’infraction de la paix urbaine entraîne des châtiments corporels. Mais il y a plus. Si la stadtfriede n’est autre chose que la burgfriede, si au point de vue du droit pénal l’habitant de la ville est identique à l’habitant de la burg, si enfin c’est précisément à cause de cette situation juridique qu’il porte le nom de burgensis, on devrait trouver ce mot de burgensis dès les premiers temps du moyen âge. Or, c’est préci-

  1. Revue historique, t. LVII, p. 57.
  2. Rietschel, p. 165 et suiv.