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ETUDE HISTORIQUE SUR LA POÉSIE POPULAIRE[1]


O l’heureux temps que celui de ces fables
Des bons démons, des esprits familiers.
Des farfadets, aux mortels secourables !
On écoutait tous ces faits admirables
Dans son château, près d’un large foyer :
Le père et l’oncle, et la mère et la fille,
Et les voisins et toute la famille,
Ouvraient l’oreille à monsieur l’aumônier,
Qui leur faisait des contes de sorcier
On a banni les démons et les fées ;
Sous la raison les grâces étouffées
Livrent nos cœurs à l’insipidité ;
Le raisonner tristement s’accrédite ;
On court, hélas ! après la vérité ;
Ah ! croyez-moi, l’erreur a son mérite.

Voltaire.

Il y a environ trente ans de cela, un jeune homme dont l’enfance maladive s’était écoulée en rêvant aux fables populaires, se décida à former une collection systématique des traditions orales. Ce jeune homme, natif du duché de Schleswig, s’appelait Wilhelm Mannhardt. Poursuivant son but, il commença à parcourir les campagnes, à la recherche d’êtres primitifs et de localités que la légende avait consacrés. Petit de taille et légèrement difforme, il voyageait à pied, un bonnet rouge sur la tête, sans que rien pût trahir sa supériorité aux humbles personnages dont il recherchait la compagnie, si ce n’est peut-être la connaissance approfondie qu’il paraissait avoir de leurs histoires et de leur croyances. Un jour, un paysan qu’il venait d’interroger le prit pour un gnome. L’aventure s’ébruita et devint célèbre plus tard lorsque Mannhardt eut acquis une haute autorité en matière de mythologie et de science

  1. Cette étude est basée sur de nombreuses recherches devant servir à la préparation d’un livre : Essays in the study of Folk-songs, qui paraîtra prochainement par les soins de l’éditeur G. Redway de Londres.