Page:Revue internationale, 3è année, tome IX, 1885.djvu/175

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

populaire. Le fait est connu et j’en parle ici uniquement pour donner un aperçu de la façon originale dont le savant jeune homme se mettait en quête d’érudition.

Il serait bon, en effet, lorsque nous nous approchons des paysans de secouer et de rejeter loin de nous les superfétations de cette civilisation qui nous est si chère, mais qui intimide les simples et leur donne l’impression que nous nous moquons d’eux. Si nous devons renoncer à passer pour des esprits de la terre ou de l’air, nous pouvons du moins tâcher d’inspirer à ces enfants de la nature assez de confiance comme simples mortels, pour les amener à nous raconter ce qu’ils savent de ces êtres intéressants et à nous donner la clef de leurs trésors, avant que le temps n’ait impitoyablement tout réduit en poussière.

Ces observations qui visent plus directement les collectionneurs, peuvent aussi s’appliquer à tous ceux qui désirent profiter des matériaux rassemblés. Le point de départ, en abordant les chants et les traditions populaires, ne doit pas être celui d’une simple critique ; il faut d’abord se débarrasser des idées préconçues et tâcher de revivre la vie matérielle et intellectuelle d’individus qui emmagasinent toute leur littérature dans leur cerveau, et pour lesquels l’imagination tient lieu d’érudition.

Les recherches sur les traditions populaires sont arrivées à tel point, que la société anglaise du Folk-lore a jugé opportun de tenter la classification de ses différentes ramifications ; et il se peut que, dans l’avenir, les studieux dirigent leurs efforts dans le sens de l’une ou de l’autre de ces branches différentes plutôt que dans l’ensemble du sujet. Quelques-unes des sections ainsi tracées ont évidemment un attrait plus grand et plus direct pour telle ou telle autre catégorie d’érudits et de curieux. Ainsi, par exemple, les croyances et les superstitions intéresseront plus particulièrement ceux qui se vouent à l’étude de la mythologie comparée, tandis que les mœurs et les coutumes auront une importance très spéciale pour le sociologue, et ainsi de suite. Mais il n’en est pas de même pour les contes et les chansons populaires, qui peuvent offrir des sujets d’étude particulièrement intéressants pour les spécialistes, mais qui exercent en même temps un attrait général sur tous les friands de littérature. Il n’en saurait d’ailleurs être autrement, car la fiction est née du conte populaire, et la chanson populaire est la source de toute poésie. Probablement la chanson a précédé le conte populaire,