Page:Revue internationale, 3è année, tome IX, 1885.djvu/220

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Comme on le voit par cette rapide énumération, les divertissements nationaux des vieux Florentins avaient tous un but pratique : ils ne gaspillaient mal à propos ni leur musique, ni leurs beaux draps, ni les bons morceaux, ni les florins. Mais quand il s’agissait de porter haut le renom d’hospitalité et de grandeur de leur patrie, ils devenaient prodigues et n’épargnaient rien pour s’élever à leurs propres yeux et éblouir ceux de l’étranger. Alors les hérauts de la commune, vêtus du plus beau drap de Calimala, soufflaient aux quatre vents dans des trompettes d’argent massif la gloire du pennon blanc orné du lys de pourpre. Ils savaient, les malins raffinés, que les admirateurs de leur splendeur en seraient, en fin de compte, les payeurs. Quand, à la vue de l’ambassade qu’ils lui envoyèrent, lors du jubilé de l’an 1300[1], Boniface VIII s’écriait : « Quelle ville que Florence ! c’est le cinquième élément, » le pape leur remboursait tous leurs frais au centuple ; il leur donnait une lettre de change sur l’univers ; et le « cinquième élément, » si bien commandité, prenait la forme d’un immense râteau, faisant refluer vers Florence le contenu de tous les coffres.

« Divertissons-nous, il en restera toujours quoique chose : » tel semble avoir été le calcul des anciens Florentins. Et en effet, même lorsqu’ils semblaient s’être mis en frais inutiles, il en restait toujours quelque chose. Le lendemain du jour où Charles d’Anjou étranglait leurs cris de fête d’un brutal Viva chi vince ! ils le conduisaient voir Cimabue peignant la Madone, et le condamnaient ainsi â se faire en tous lieux le colporteur de la gloire artistique de leur ville.

Nous glisserons sur les divertissements périodiques de cette époque qui ne sauraient exciter au même degré la curiosité de l’historien, car ils ne se rattachent pas encore directement au développement original de la nation et on les retrouve presque tous, à peu de modifications prés, chez tous les peuples. De ce nombre étaient les fêtes du premier mai, avec leur cortège de maggiolate et d’ânes portant des chardons sous la queue et des cymbales sur le dos : le pèlerinage mensuel, gastronomico-religieux, à la porte San-Gallo : les solennités de Pâques, de Noël, de la Pentecôte ; le divertisse-

  1. Cette ambassade était composée de personnages marquants de Florence dont l’ensemble représentait toutes les puissances de l’univers. Habile allégorie, traduite par les costumes les plus magnifiques