Page:Revue internationale, 3è année, tome IX, 1885.djvu/219

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retentissantes de musique ; ce n’étaient que festins dont la variété et le nombre sont naïvement rendus par l’expression invariable du chroniqueur : convili, desinari e cene. Saint Jean n’eut pas le monopole des honneurs ; on se rappela, en 1353, que Florence, menacée par les hordes de Radagaise, avait dû son salut à sainte Reparata et on trouva qu’il était temps de lui agrandir son église. A cette occasion, la commune organisa une course de chevaux dont le prix consistait en un pallium de couleur écarlate et long de douze brasses[1]. L’évêque se mêla aux spectateurs ; on le vit chevaucher sur la piste, adressant des mots aimables aux jolies dames, entre deux bonds de son palefroi[2]. Voilà bien le descendant du lucumon, inventeur du rite et des quadriges ; comme l’avait été aussi du lucumon guerrier cet Antonio dell’Orso qui, en 1313, troquant la mitre contre un casque, fit sentir aux Gibelins assiégeant Florence ce que pesait, à l’occasion, un glaive guelfe dans une main d’évêque.

Comme Florence honorait les puissants du ciel, elle honorait les puissants de la terre. Soit qu’elle fêtât la présence dans ses murs de l’empereur Henri V (1109) ; soit qu’elle célébrât l’entre- vue de Charles d’Anjou et de Grégoire X (1273) ; soit qu’elle déployât dans la réception du cardinal Latino, légat du pape, une pompe où figuraient, caracolant autour du carroccio, tous les jeunes gens nobles de la ville, en costume de parade (1279) ; soit qu’en 1304 elle accueillit aussi de la sorte le cardinal Niccolò da Prato, autre légat : Florence ne négligea rien pour « faire bien les choses. » Si dans cette dernière circonstance la fête tourna au tragique, ce fut moins par faute que par excès d’entrain[3].

Tous les événements heureux étaient aussi marqués par des fêtes. Tels, la réception du cadeau des Pisans, les deux colonnes enlevées aux Sarrasins qu’ils envoyèrent à Florence recouvertes d’écarlate (1113) ; la réconciliation de 1282 ; la naissance de six lionceaux (1337) qui fut regardée comme un symbole de la croissante magnificence de la cité.

  1. Matteo Villani, livre III.
  2. PERRENS citant Vannucci, loc. cit., III.
  3. Voir dans G. Villani, livre VIII, cette page, souvent reproduite et d’une gaieté quelque peu macabre, où le chroniqueur raconte la chute du ponte alla Carraia durant la représentation d’un Mystère. Nous dirons plus loin quelques mots des Mystères.