Page:Revue internationale, 3è année, tome IX, 1885.djvu/222

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de paon, les hommes avec leurs pourpoints bien serrés, leurs bonnets provocateurs et le velum de pourpre ondoyant de leur tête à leur bras. Ainsi nous les représente un curieux tableau de noces du musée florentin de la Tribuna, dans lequel tout, décors, visages et démarche des personnages, produit l’impression d’une fête plutôt diplomatique que familiale.


II.

Tout ce qui précède s’applique au temps où Florence, jouissant de son entière liberté, se divertissait pour son propre compte, à part ses intermittences de servitude, celle par exemple qu’amena la courte domination du duc d’Athènes. À cet aventurier revient le triste honneur d’avoir exploité et corrompu le premier, au profit de son grossier despotisme, le goût des Florentins pour les jeux. Pour séduire la foule en l’énervant, il institua les Potenze, spectacle puéril qui supplanta les divertissements traditionnels faits pour développer la vigueur du corps et de l’esprit. La première des Potenze eut lieu sur la place Santa-Croce illuminée et ornée de tentures en drap d’or ; les habitants des quartiers de Porta-Rossa et de San-Giorgio, déguisés en guerriers au service les uns de l’empereur du Couchant, les autres de l’empereur Paléologue s’y donnèrent rendez-vous et, après un simulacre de pourparlers sur la question de préséance, s’en retournèrent comme ils étaient venus (1342). Durant cette fête et les suivantes, la consigne fut de s’amuser : un des prieurs pour avoir dit qu’il ne s’amusait pas du tout, fut privé de sa langue et pendu après.

Les Potenze, dont l’apparition représente dans l’histoire des divertissements florentins leur premier principe de dépression, se renouvelèrent fréquemment jusque vers la moitié du dix-septième siècle. Seulement, leurs données perdirent rapidement leur grossièreté primitive ; la mythologie s’y mêla ; et, plus ce genre de spectacle laissa à désirer comme moyen d’éducation virile et forte, à l’usage du populaire, plus il devint remarquable, ainsi que nous le verrons par la suite, sous le rapport de la mise en jeu des trucs à effet et de l’exhibition des étoffes splendides, des femmes bien faites, des hommes bien exercés, des animaux rares ou savants.