Page:Revue internationale, 3è année, tome IX, 1885.djvu/223

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Cette dernière observation ne saurait toutefois concerner les premiers temps de la domination médicéenne. Côme et surtout Laurent-le-Magnifique confisquèrent bien, avec les autres libertés de Florence, celle du self-amusement ; mais leur tyrannie se confondit jusqu’à un certain point avec l’amour de la chose publique ; et au lieu d’abaisser le niveau des distractions populaires, ils s’attachèrent au contraire à l’élever.

Au milieu des travaux sans nombre que lui coûta rétablissement de son pouvoir, Côme n’eut pas le temps d’ériger les divertissements proprement dits en principes de gouvernement ; son génie vaste et pratique le porta toujours à la conquête directe de l’utile. Il employa assez bien ses immenses richesses, il couvrit Florence d’assez de monuments grandioses, il étaya sa puissance sur d’assez solides bases et étendit assez loin sa gloire commerciale pour obtenir le titre de Père de la patrie, sans avoir flatté chez ses concitoyens d’autres instincts que celui de leur activité. Cependant, deux fêtes splendides, motivées par d’heureuses circonstances, signalèrent sa domination. Ce furent le grand tournoi de 1435 et la giostra de 1441 en l’honneur l’un du nouveau condottiere Francesco Sforza, l’autre de la paix récemment signée avec le duc Visconti.


III.

Après celui qui forgea le frein vint celui qui le dora. Panem et circenses ! C’est en satisfaisant ce muet désir du peuple, sans lui laisser le temps de l’exprimer par un cri, que Laurent-le-Magnifique régna ; malheureusement une politique de ce genre n’éteint dans un peuple l’esprit de faction qu’au détriment de son caractère et le voue d’avance à des chutes profondes dont l’heure viendra quand au prince de génie aura succédé un prince médiocre. Voilà par où le système du Magnifique fut vraiment funeste à Florence et à l’Italie. Toutefois l’histoire lui saura gré de ne point l’avoir appliqué en histrion comme les Césars romains, mais en poète comme un Italien de la renaissance.

Il donna en effet un nouveau lustre aux anciens jeux et en inventa de nouveaux dans sa féconde imagination d’artiste ; il trans- «