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ces de parade le temps qu’elle employait jadis à se gouverner. Le premier specfacle, qui fut merveilleux, reproduisait le combat d’Hercule et des héros qui assistèrent à la noce de Pirithoüs, contre les Centaures. Les années suivantes, ce fut le tour des Triomphes. Laurent lui-même donnait la note philosophique de toutes ces fêtes dans son Triomphe de Bacohxbs et d^Ariane ‘ où, après avoir peint le cortège titubant et dansant du dieu du vin et du vieux Silène « ivre et joyeux, plein de chair et d’années > il s’écriait : < Que chacun ouvre les oreilles ! Que personne ne se repaisse du lendemain ! Refoulez les tristes pensées. Qui veut être, doit être gai. Demain, c’est l’incertitude ! > Traduction : Amusez-vous, ne politiquez pas !

Cette pensée Laurent l’éparpillait autour de lui en mille chansons : il y en avait pour toutes les classes ; tous, du noble au marchand d’huile et du commerçant au ramoneur, criaient à tue-tête, sous la forme d’odes à la gaieté, le panégyrique de l’homme qui voulait bien prendre le soin^des affaires et leur laisser celui du plaisir. A ce titre, le recueil des Canti carnascialeschi produit l’effet de la plus prodigieuse soupape de sûreté que jamais tyran ait appliquée à l’àme d’un peuple pour lui faire évaporer sa turbulence, mais hélas aussi ! son énergie et sa moralité. Comme tout le reste, cet ingénieux despote ennoblit aussi le jeu des courses de chevaux ; il fit venir d’Afrique des chevaux barbes qui remportèrent les premiers prix dans toutes les villes d’Italie. Pour intéresser la religion à son système et mettre Dieu de son côté, il employa ces prix, argent, étoffes précieuses etc. à la décoration des autels. Les Florentins avaient, nous l’avons dit, pour les lions et en général tous les fauves un culte qui tenait de la superstition. Laurent prit soin d’avoir une ménagerie splendide dont un tigre énorme, présent du sultan d’Égypte, qu’on vint voir de tous les points de l’Italie, fut l’honneur pendant dix-huit mois. < Il faisait pourtant toutes ces choses, dit un vieil et spirituel* * historien,^ d’un air qui montraitJassez qu’il n’agissait que pour se délasser. Ainsi la fable de l’Hercule gaulois devenait une vérité : il se trouvait un homme dans le monde qui, sans puissance ni

  • Voir l’ouvrage : Taüi i trionfij carri^ maszherate e cantl camasda’

les^lil andati per Firenze dal tempo del Magnifi^o sino alVanno 1559.

  • Histoire anecdotique de la maison de Médiois^ par M. de Varillas.