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Page:Revue maritime et coloniale, tome 18.djvu/581

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L’établissement de cette colonie chinoise ne date pas seulement de notre installation en Cochinchine ; il remonte à la fin du dix-septième siècle. A cette époque, des Chinois restés fidèles à la dynastie des Ming, et voulant se soustraire à la domination des Tsing, furent autorisés par le roi d’Annam à aller s’établir dans la province de Gia-dinh (Saigon), nouvellement conquise sur les Cambodgiens. Ils choisirent l’ile de Cou-lao-pho, près de Bien-hoa. Cette île prospéra rapidement entre leurs mains, et bientôt la nouvelle colonie fournit la soie et le coton, tissés et teints, aux Annamites, peu habiles alors à la culture du mûrier et du coton, ainsi qu’aux arts de tisser et de teindre.

La révolte des Tay-son vint troubler cette prospérité, et les colons durent se retirer sur le territoire de Saigon, où ils fondèrent la ville de Cholen, dont l’importance commerciale augmenta de jour en jour sous la direction de ses habiles fondateurs, qui bientôt appelèrent à eux leurs compatriotes.

Une partie de ces colons se renouvelle périodiquement ; mais quelques-uns sont attachés à la ville depuis longtemps déjà et ne songent point à la quitter ; la vieillesse seule les détermine à retourner en Chine. En attendant, ils vivent loin de leurs familles, loin de leurs femmes, car aucun d’eux n’amène la sienne en Cochinchine ; c’est pour cela qu’il y a à Cholen tant de métis chinois-annamites (Minh-huong). Si la mort les surprend loin de la patrie, presque tous font transporter leurs restes mortels dans leur pays, afin de n’être pas privés du culte que les vivants rendent aux morts.

Les Chinois ont importé en Cochinchine leurs mœurs et leur religion, de sorte qu’il n’est pas absolument nécessaire d’aller en Chine pour étudier les habitants de l’empire du Milieu.

Près de Cholen se trouvent la pagode des Clochetons et le petit fortin de Cai-maï : deux noms cités dans la relation de la bataille de Ki-hoa.

Le fort de Caï-maï doit son nom à un arbre donnant des fleurs dont l’odeur agréable rappelle l’odeur de la violette. Avant notre arrivée dans le pays, les jeunes filles et les jeunes garçons (particulièrement les étudiants) se réunissaient sous son ombrage pour faire des offrandes au Bouddha, chanter des chansons d’amour et joncher le sol de fleurs de lotus et de nénuphar.

Nous nous arrêterons ici, car, pour nous étendre davantage, il faudrait décrire toute notre colonie, toute notre France asiatique, qui ne pourrait que gagner à être connue.

P.-C. Richard,
Lieutenant d’artillerie de la marine et des colonies.