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Page:Revue maritime et coloniale, tome 18.djvu/788

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notre plénipotentiaire. « Les Français aboient comme des chiens et fuient comme des chèvres, » telle avait été l’insolente inscription placardée par les mandarins après notre départ. Le passage de cette mission à Tourane avait été marqué cependant par un hardi coup de main, qui faisait honneur aux marins du Catinat et à leur commandant ; mais il fallait désormais autre chose pour ramener Les Annamites au sentiment de leur infériorité et au respect du nom européen. Une. expédition fut donc résolue, à laquelle les Espagnols voulurent s’associer pour venger la mort d’un de leurs compatriotes, Mgr Diaz, martyrisé au Tonkin en 1857. Le commandement en fut confié au contre-amiral Rigault de Genouilly, qui venait déjà de diriger les opérations de notre première guerre de Chine. Sa division mouilla sur la rade de Tourane dans la soirée du 31 septembre 1858. De tout temps, cette baie fameuse avait été signalée comme le point vulnérable de l’empire d’Annam, probablement parce que c’était le seul de la côte qui fût bien connu des navigateurs. M. de Bougainville, sous la Restauration, et sous le gouvernement de Juillet la Favorite, l’Héroïne et l’Alcmène, y étaient successivement venus tenter d’infructueuses démonstrations. Nous devions apprendre à nos dépens combien étaient peu fondées les traditions qui recommandaient avec une telle unanimité le choix de ce point d’attaque. Que l’on se figure un ennemi débarquant à Toulon sur la presqu’île du cap Sepet, s’y retranchant, y improvisant une ville d’aventure, sans franchir néanmoins la langue de terre des Sablettes pour pénétrer dans l’intérieur du pays, et prétendant amener de la sorte le cabinet des Tuileries à composition. Tels nous étions à Tourane, sur la presqu’île de Tien-tcha. Nous y avions créé à grands frais des magasins, des camps, des parcs, des batteries ; notre flotte couvrait la rade, et, malgré les brillants combats qui se succédaient périodiquement, les mois s’écoulaient sans que nous fissions le moindre progrès, sans que la cour de Hué laissât percer le moindre désir de traiter sérieusement, persuadée qu’elle était que nous finirions par nous lasser de dépenser ainsi hommes et millions dans ces coûteux et stériles efforts. J’ai, vu depuis cette presqu’île tristement célèbre. « Là, me disait un de ceux qui l’avaient habitée pendant la durée entière de l’occupation, là était le camp des marins, là celui des Espagnols, là le quartier général, ici la ville marchande, plus loin l’aiguade. » — Mais tout avait disparu, abandonné par les Annamites, qui ne se sont même pas donné la peine de relever les batteries effondrées, et nulle trace ne reste aujourd’hui de notre