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L’ATLANTIDE ET LE RENNE

Par Philippe SALMON

Que l’Écosse, par les Féroé et l’Islande, ait été unie au Groenland ; que l’Amérique du Sud ait été unie également à l’Afrique australe, comme le proclament beaucoup de géologues, ces soudures sont plus ou moins éloignées des régions atlantiques moyennes sur lesquelles nous désirons attirer un moment l’attention. La partie de continent disparu dont nous voulons parler aurait, depuis la péninsule ibérique, joint l’Europe à l’Amérique septentrionale, par les Açores, et à l’Amérique centrale, par les Antilles.

« L’Europe occidentale[1] doit son climat tempéré à un grand courant d’eau chaude, le Gulf-Stream, qui, sortant du golfe du Mexique et traversant l’Atlantique, vient baigner les côtes océaniennes de l’Europe, depuis le Portugal jusqu’au Spitzberg ; supprimez le courant et le climat de l’Europe occidentale sera complètement changé ; or l’hydrographie, la géologie et la botanique s’accordent pour nous apprendre que les Açores, Madère, les Canaries sont les restes d’un grand continent qui jadis unissait l’Europe et l’Amérique du Nord. Supposez le continent exondé, le Gulf-Stream est arrêté, n’atteint plus les parages septentrionaux de l’Europe et un climat plus froid amène l’extension des glaciers. »

Cette influence calorifique parait se prolonger tellement loin que le docteur Nansen, dans son récent voyage polaire, l’aurait reconnue à 84° de latitude ; la mer avait une profondeur de 3 800 mètres ; les 180 premiers mètres étaient froids, mais il régnait plus bas une température d’un demi-degré au-dessus de zéro : ce qui, dit-il, provient probablement du Courant du Golfe.

La question est bien posée ainsi : le continent portugo-terre-neuvien a-t-il réellement existé ? quand s’est-il effondré ?

Imagination pure ou légende merveilleuse des Atlantes, Solon, Platon, Théopompe ont inventé ou reproduit les fantastiques récits que tout le monde connaît.

« Malgré la concordance de ces témoignages[2] empruntés à la tradition

  1. Charles Martins, Glaciers actuels et période glaciaire, Paris, Claye, 1867, p. 91.
  2. Charles Tissot, Exploration scientifique de la Tunisie. — Géographie comparée de la province romaine d’Afrique, Paris, Imprimerie nationale, 1884, in-4o, I, 667.