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REVUE DE L’ÉCOLE D’ANTHROPOLOGIE

plutôt qu’à l’histoire, l’Atlantide a été longtemps reléguée dans le domaine de la géographie fabuleuse. La science réhabilite aujourd’hui la véracité de ces récits du premier âge, l’existence de l’Atlantide n’est pas seulement possible à ses yeux : elle lui est indispensable pour expliquer la structure de certaines parties du sol de l’Europe méridionale. Il est impossible en effet, au point de vue purement géologique, d’expliquer autrement que par l’existence d’un vaste continent situé au nord-ouest de l’Espagne la formation des immenses dépôts lacustres, remontant à l’époque tertiaire, qu’on a constatés sur trois points différents de la péninsule ibérique ; ces dépôts, qui couvrent près de 14 000 kilomètres carrés et dont la puissance dépasse souvent 100 mètres, ne sauraient être l’œuvre des fleuves qui traversent l’Espagne de l’est à l’ouest et dont le cours est trop limité. Nos géologues voient donc dans ces énormes masses alluviales le produit de grands cours d’eau coulant du nord-ouest au sud-est et appartenant à de vastes étendues qui se seraient affaissées depuis sous les flots de l’Océan. »

Colomb et Verneuil (carte géologique de l’Espagne et du Portugal, 1868) ont figuré, au nombre de trois, ces immenses dépôts tertiaires lacustres dans la Nouvelle-Castille, dans la région catalano-castillane, enfin entre les provinces de Terruel et de Catalogne.

« Une aussi grande masse de sédiments d’eau douce[1] lentement déposés en couches horizontales atteste l’existence de fleuves immenses qui ont déversé pendant un laps de temps considérable leurs eaux dans ces larges bassins. De tels fleuves supposent eux-mêmes de grands continents, où ils prenaient leurs sources, continents qu’on ne peut d’ailleurs placer que dans le nord-ouest ; c’est là, entre l’Espagne, l’Irlande et les États-Unis, que se trouvait sans doute le continent atlantique qui, alors et plus tard, fit un pont aux migrations des plantes, des animaux et de l’homme lui-même. »

Ce pont a dû servir dans les deux sens ; les plantes, les animaux, les hommes ont pu s’y rencontrer, qu’ils soient partis d’un côté ou de l’autre. Une observation ethnologique nous semble devoir être faite maintenant. Si aucune migration asiatique vers l’Europe n’était possible tant qu’a duré la barrière formée de la mer Glaciale à la Méditerranée, à travers l’Obi, la Caspienne, l’Aral, etc., et si, à l’époque magdalénienne, le type crânien indigène platydolichocéphale s’est modifié, comme on l’a vu à Laugerie-Basse et à Chancelade, par un relèvement du front en façade ; enfin, si cette modification céphalique doit être attribuée au contact d’une autre race, il convient peut-être de placer son origine dans les régions atlantiques effondrées où les centres anthropogéniques ont pu se former comme ailleurs.

« Vers l’ouest, de nombreux sondages[2] opérés dans les mers qui baignent l’Europe occidentale ont révélé l’existence d’un plateau sous-marin qui, au point de vue géologique, doit être considéré comme partie intégrante d’un

  1. Georges Hervé, Cours d’ethnologie professé à l’École d’anthropologie de Paris, 1893-1897.
  2. Georges Hervé, Cours déjà cité.