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Page:Revue militaires suisse - 47e année - 1902.djvu/463

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porteront difficilement des succès et que ceux qu’ils remporteront auront une importance à la fois faible et très localisée.

En d’autres termes, je crois que, de part et d’autre, on demeurera dans cette inaction haletante, inquiète et toujours attentive, dans laquelle vivent les garnisons investies et les troupes d’investissement dont je parlais tout à l’heure. Elles resteraient indéfiniment dans leurs positions respectives si, d’un côté, les opérations de la guerre de campagne n’entraînaient pas la levée du blocus, ou si, de l’autre, la diminution des vivres ne contraignait pas les assiégés à se rendre.

C’est donc à des circonstances extérieures que sera due la fin de la guerre purement défensive de l’avenir. Par exemple, on se trouvera contraint par l’état des finances ou par la politique à demander la paix ou à l’accepter, même sans avoir remporté des avantages marqués, sans avoir subi des défaites décisives. Qu’on songe à ce que coûte par jour aux Anglais la guerre du Transvaal, et qu’on suppute la dépense qu’occasionnerait l’entretien d’effectifs triples, quadruples, quintuples. Le crédit des États s’épuise vite ; les trésors de guerre se vident ; d’autre part, toutes les familles seront en deuil et inquiètes ; plus que jamais, elles souffriront dans leurs affections immédiates. Elles se lasseront de voir les armées piétiner sans avancer, mais non sans subir des pertes douloureuses. Et c’est cela qui mettra fin à la campagne, plutôt que des grandes victoires du genre de celles d’autrefois.

Ne nous imaginons pourtant pas que les combats cesseront d’être sanglants. On dépensera encore du sang, beaucoup de sang et non pas seulement de l’argent. Il faudra encore de la prévoyance, du calme, de la hardiesse et même de l’esprit d’offensive jusque dans la défensive. Plus que jamais la troupe, le commandement, la population auront à déployer d’énergie. Plus que jamais le savoir professionnel sera nécessaire au chef et à la troupe. Et il faut se préparer avec un redoublement d’ardeur aux pires éventualités. Mais il n’est pas douteux que la physionomie des batailles se trouvera complètement métamorphosée. Et bien, je crois que cette transformation s’opérera à peu près dans le sens des idées que l’état-major de l’armée française a faites siennes et que le général de Négrier abrite de sa haute autorité.

Commandant Émile Manceau.
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