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L’ENSEIGNEMENT DES INDIGÈNES EN ALGÉRIE

ponses. — Soit, répondent les adversaires, mais laissez venir l’âge, la crise de la puberté, Alors tout développement mental s’arrête, cette vivacité de jeune animal apprivoisé que vous prenez pour l’éveil de l’intelligence disparaît dans le débordement de la nature brute et la bestialité de l’instinct. — Mais cette crise de la puberté ou de l’adolescence, qui correspond à une évolution physiologique de l’individu, ne se produit-elle pas aussi chez les jeunes civilisés ? Elle n’empêche pas un bon nombre d’entre eux de poursuivre leurs études, pas plus qu’elle n’arrête, en Algérie, les élèves des cours normaux et ceux des médersas. Si, autrefois, la plupart de nos élèves indigènes, à peine sortis de l’école, oubliaient si vite l’enseignement qu’ils y avaient reçu, c’est qu’ils n’étaient que des individus isolés, perdus dans la masse ignorante de leurs compatriotes, à l’unisson desquels ils remettaient d’in stinct leurs habitudes, leurs sentiments et leurs pensées. La vérité est qu’il faut opérer sur des ensembles, de manière à créer des milieux, des centres de culture française, destinés à se grouper, à s’agglomérer et enfin à se rejoindre un jour pour couvrir toute l’Algérie. C’est sur cette donnée qu’avait été conçu le plan de 1891.

Autrefois, quand il n’y avait pas d’écoles spéciales pour les indigènes, on disait : « Les Arabes et les Kabyles ne veulent pas de l’instruction française pour leurs enfants ; nous ouvrons nos écoles, et ils n’y viennent pas ». Et l’on ajoutait : « Si l’on voulait les contraindre en leur imposant l’obligation scolaire, on provoquerait une insurrection ». On a édicté le principe de l’obligation, on l’a appliqué quelquefois, et il n’y a pas eu d’insurrection. On ne pouvait pas exiger des musulmans d’Algérie qu’ils se montrassent plus éclairés que nos paysans de France lors de la loi Guizot. II fallait tenir compte aussi de leurs préventions religieuses, que la neutralité confessionnelle de nos écoles, la présence rassurante du thaleb ont réussi à désarmer. Sauf un très petit nombre, ils ne témoignent point d’enthousiasme, mais ils ne manifestent pas non plus de répugnance marquée. En général, en cela comme en bien d’autres choses, ils sont plutôt passifs. Ils laissent faire et se laissent faire.

Quand on affirme que les écoles indigènes n’ont pas d’élèves ou que si elles en ont c’est seulement les jours de visites ministérielles, quand on les qualifie « d’écoles à la Potemkin », ces