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Page:Revue pédagogique, année 1897.djvu/654

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REVUE PÉDAGOGIQUE

affirmations et ces comparaisons sont également hasardées. En 1888, dans 23 écoles recensées deux fois à l’improviste, on trouvait, sur 2,285 inscrits, la première fois 563 absents ou 24 %, la seconde fois 397 ou 17 %[1]. En 1891, M. Rambaud, qui n’était pas encore ministre, trouvait 92 présents sur 138 inscrits à Tizi-Rached, 176 présents sur 196 inscrits à Djema-Saharidj, 121 présents sur 133 inscrits à Taourit-Mimoun, 146 présents sur 190 inscrits à Tamazirt. De toutes les circonscriptions d’inspection primaire de l’Algérie, il n’en est aucune où la proportion des absents soit plus faible que dans celle de Tizi-Ouzou, qui contient le plus grand nombre d’écoles indigènes[2]. « On peut déduire de cette observation, qui se renouvelle chaque année, remarque dans son rapport de 1894 le recteur d’Alger, que les élèves indigènes inscrits dans les écoles sont plus assidus que les élèves européens. » Il faut donc renoncer à la légende des écoles sans élèves. D’autres faits non moins significatifs témoignent de la bonne volonté des indigènes. En 1895-1896 les cours d’adultes, dont la fréquentation est absolument libre, ont compté 3,260 musulmans sur un total de 6,317 auditeurs. Alors qu’on s’est toujours étudié à ménager scrupuleusement les idées des indigènes sur le rôle et l’éducation de la femme, qu’on a formellement excepté les filles de l’obligation scolaire, en dépit de ces précautions, des mœurs, des préjugés, l’enseignement des filles a pris une importance tout à fait inattendue ; en 1896 il y avait plus de 1,700 petites Arabes ou Kabyles, surtout Kabyles, dans les écoles de l’Algérie, et il a fallu ouvrir un cours normal pour forme des monitrices indigènes.

Les musulmans d’Algérie ne fuient donc pas les écoles. Mais qu’y viennent-ils chercher et qu’y trouvent-ils ? Ne leur donne-t-on pas une instruction hors de leur portée, trop ambitieuse, trop chargée, en leur appliquant sans discernement les programmes faits pour les enfants de France ? L’histoire de cet instituteur de Kabylie, qui racontait par le menu à ses élèves la rivalité de Brunehaut et de Frédégonde, a fait plusieurs fois le tour de la presse et reparaît encore de temps en temps. On oublie que Paul Bert,

  1. Burdeau, ouvrage cité, p. 206. — Rambaud, ouvrage cité, p. 54 et suivantes.
  2. Tizi-Ouzou 22.22 %, Alger 23.48 0/0, Blida 27.21 %, Constantine 24.97, etc. Rapport au Conseil supérieur de gouvernement, 1894, p. 810.