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Page:Revue pédagogique, année 1925.djvu/306

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REVUE PÉDAGOGIQUE

lution parallèle à celle qui transformait à la même date l’éducation des enfants d’âge scolaire. Depuis 1837, c’est dans des « salles d’asile » qu’étaient réunis ceux des petits enfants du peuple que leurs mères ne pouvaient garder au foyer domestique. Des « salles d’asile » ! Ce nom révèle le caractère de l’institution : c’étaient moins des établissements d’instruction que des œuvres d’assistance ; une ordonnance royale les avait classées parmi les « établissements charitables ». Certes, les femmes de cœur qui se vouaient à la direction des salles d’asile ne méritaient que de la gratitude. Mais le mot lui-même heurtait les convictions démocratiques de Mme Kergomard : à son avis, l’État doit avoir une conception plus haute de ses obligations envers l’enfance ; dès qu’il prend des enfants sous sa tutelle, il leur doit plus qu’un abri, il leur doit une éducation. Et quelle éducation, sinon celle qu’ils recevraient dans une famille normale ? l’éducation « affectueuse et indulgente » que leur donnerait une bonne mère ? Voilà pourquoi, reprenant une expression qu’Hippolyte Carnot avait failli faire prévaloir dès 1848, Mne Kergomard propose de débaptiser les « salles d’asile » et de les appeler des « maternelles ».

Je dis « des maternelles » plutôt que des « écoles maternelles », car Mme Kergomard a répété toute sa vie : « l’école maternelle n’est pas une école ». La formule a été atténuée dans les règlements officiels, mais c’est sous sa forme la plus absolue qu’elle traduit le mieux la pensée de son auteur. Dans une école, on accumule des connaissances, on entend des leçons, on rédige des devoirs, on suit un programme d’enseignement. A la maternelle, on acquiert des habitudes ; on développe les facultés naissantes ; le corps est fortifié, les sens aiguisés, la curiosité et la conscience éveillées par des exercices plutôt que par des enseignements. L’idée même d’un « programme » à établir pour les écoles maternelles faisait sourire Mme Kergomard. De 1881 à 1909, elle a souvent remis sur le chantier ce soi-disant programme pour en effacer, à chaque révision, ce qui pouvait y subsister de livresque. Et elle applaudissait à la nouvelle révision que nous avons faite dans le même sens, il y a quatre ans. Bien avant les théoriciens actuels, elle a préconisé, pour les maternelles, l’emploi des « méthodes actives ».