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LA PÉDAGOGIE FRANÇAISE.

comme moyen et non comme fin ; quand elles nous conduisent ailleurs et non quand on s’y arrête ; quand elles nous servent de préparatifs et d’instruments pour de meilleures choses, dont l’ignorance rend tout le reste inutile. » Mais l’âme, pour agir, a besoin d’un instrument et d’un instrument en bon état : « ce n’est pas assez de roidir l’âme, il lui faut aussi roidir les muscles ; elle est trop pressée si elle n’est secondée, et a trop à faire de seule fournir à deux offices… Ce n’est pas une âme, ce n’est pas un corps qu’on dresse, c’est un homme, il n’en faut pas faire à deux, » Fénelon, dans le même esprit, ne craint pas d’indiquer quelle est la nourriture qui convient à de petits enfants ; Rousseau fait une large part à l’éducation physique.

C’est dire que l’éducation ne saurait commencer trop tôt ; dès que l’enfant est capable de voir, d’entendre, il est capable d’être « élevé ». Montaigne et Rabelais le prennent pour ainsi dire au berceau, comme Fénelon, dont les lignes suivantes sont à citer : « Le premier âge est celui où se font les impressions les plus profondes, et qui par conséquent a un grand rapport à tout le reste de la vie. Avant que les enfants sachent entièrement parler, on peut les préparer à l’instruction… Considérez combien, dès cet âge, les enfants cherchent ceux qui les flattent et fuient ceux qui les contraignent ; combien ils savent crier ou se taire pour avoir ce qu’ils souhaitent, combien ils ont déjà d’artifice… » On ne connaît la nature enfantine, « le génie des écoliers, » comme disait Rollin, qu’en l’étudiant dès ses premières manifestations, en la suivant pas à pas, en l’observant partout, jusque dans les jeux, où l’absence de contrainte et l’exercice de l’activité naissante la mettent en plein relief, en plein épanouissement. « L’enfant qui joue m’est sacré », disait Pestalozzi ; Montaigne avait dit avant lui,