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REVUE PÉDAGOGIQUE.

M. Blanchard ; mais certainement les choses ne se passent pas ainsi. D’abord les deux récits sont tellement conformes, qu’ils ont sans doute aucun même origine. Illiger, sur une observation trop peu suivie pour mériter confiance aveugle, a mis en avant l’aventure de son Gymnopleure, et le même fait a été répété pour les scarabées, parce que, en effet, il est très-commun de voir deux de ces insectes occupés en commun soit à faire rouler une pilule, soit à la retirer d’un endroit difficile. Mais le concours de deux ne prouve en rien que le bousier dans l’embarras soit allé requérir main forte auprès des camarades. J’ai eu, dans une large mesure, la patience que recommande M. Blanchard ; j’ai vécu de longs jours, pourrais-je dire, en intimité avec le Scarabée sacré ; je me suis ingénié de toutes les manières pour voir clair, autant que possible, dans ses us et coutumes et les étudier sur le vif ; et je n’ai Jamais rien surpris qui de près ou de loin fît songer à des compagnons appelés en aide. Comme je le relaterai bientôt, j’ai soumis le bousier à des épreuves bien autrement sérieuses que celle d’une cavité où la pilule aurait pu choir ; je l’ai mis dans des embarras plus graves que celui d’une pente à remonter, vrai jeu pour le Sisyphe entêté, qui semble se complaire à la rude gymnastique des endroits déclives, comme si la pilule, en devenant de la sorte plus ferme, gagnait ainsi en valeur ; j’ai fait naître par mon artifice des situations où l’insecte avait besoin plus que jamais de secours, et jamais à mes yeux n’a paru quelque preuve de bons offices entre camarades. J’ai vu des pillés, J’ai vu des pillards, et rien de plus. Si plusieurs bousiers entouraient la même pilule, c’est qu’il y avait bataille. Mon humble avis est donc que quelques scarabées réunis autour d’une même pelote dans des intentions de pillage, ont donné lieu à ces récits de camarades appelés pour donner un coup de main. Des observations incomplètes ont fait d’un audacieux détrousseur un compagnon serviable, qui se dérange de son travail pour prêter un coup d’épaule.

Ce n’est pas affaire de faible portée que d’accorder à un insecte « une intelligence de la situation vraiment étonnante et une facilité de communication entre individus de même espèce, plus surprenante encore ». J’insiste donc encore sur ce point. Comment ? un scarabée dans la détresse concevrait l’idée d’aller quérir de l’aide ? Il s’en irait au vol,