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ÉDUCATION DE PAULINE DE GRIGNAN.

qualités et de défauts. On a ses sentiments propres, ses goûts à soi, ses idées, ses opinions. Un beau jour la mère est toute surprise de trouver à côté d’elle, non plus un petit automate amusant dont elle est le ressort unique, mais un être qui a sa vie propre et ses petites résistances. Tant qu’on est dans le train ordinaire de la maison et des habitudes prises, chacune avec ses occupations diverses, ne se rencontrant qu’aux repas, à la promenade, à la prière du soir, en visites communes, rien ne paraît changé. Mais qu’une circonstance, un voyage en tête-à-tête, vous mette en présence, la situation se déclare.

C’est ce qui arriva pour Pauline, et ce fut dans un voyage à Marseille que Mme de Grignan s’aperçut que sa fille avait des volontés, des caprices, qu’elle osait critiquer, contredire, être raisonnante, en un mot que ce n’était plus la petite fille d’autrefois. Elle en fut mécontente. L’excellente et sage marquise lui écrit à ce sujet. « Pauline n’est donc pas parfaite ? Avait-elle gagé de l’être au sortir de son couvent ? Vous n’êtes point juste : et qui est-ce qui n’a pas de défauts ? en conscience, vous attendiez-vous qu’elle n’en eût point ? où preniez-vous cette espérance ? ce n’était pas dans la nature : vous vouliez donc qu’elle fût un prodige prodigieux, comme il n’y en a jamais eu. » (23 février 1689). Et une autre. fois : « Parlons un peu de Pauline, cette petite grande fille, tout aimable, toute jolie ; je n’eusse jamais cru qu’elle eût été farouche : je la croyais toute de miel ; mais, mon enfant, ne vous rebutez point : elle a de l’esprit, elle vous aime, elle s’aime elle-même, elle veut plaire ; il ne faut que cela pour se corriger, et je vous assure que ce n’est point dans l’enfance qu’on se corrige : c’est quand on a de la raison ; l’amour-propre, si mauvais à tant d’autres cho-