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Page:Revue pédagogique, premier semestre, 1879.djvu/329

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REVUE PÉDAGOGIQUE.

nature humaine, car l’homme est porté par sa nature à vivre avec la femme plus encore qu’à vivre en société politique ; d’autant plus que l’existence de la famille est nécessairement antérieure à celle de la cité, et que la propagation des espèces est une loi commune à tous les êtres animés. Mais cette union se borne uniquement à cela dans les autres espèces ; au lieu que, chez l’homme, elle a encore pour but de se procurer toutes les choses nécessaires à la vie ; car bientôt la tâche se trouve partagée entre les deux membres de l’association, et celle de l’homme est autre que celle de la femme. Aussi se prêtent-ils de mutuels secours, mettant en commun les moyens propres à chacun d’eux. C’est pour cette raison que l’utile et l’agréable semblent plus spécialement unis dans cette espèce d’amitié. Elle peut même être fondée sur la vertu, si le mari et la femme sont dignes d’estime, puisque chacun d’eux a son mérite propre ; et ils peuvent trouver la plus douce satisfaction dans un pareil lien. Les enfants contribuent ordinairement à le resserrer encore davantage ; et c’est pour cela que les époux qui sont privés de ce bonheur, se désunissent plus promptement ; car les enfants sont un bien commun à l’un et à l’autre, et tout ce qui est commun est un moyen d’union[1] ».

Une dernière citation nous montrera dans Aristote le sentiment du père absolument pur de tout égoïsme, puisqu’il n’a pas l’illusion de croire que son attachement est payé de retour, et que s’il attend de ses enfants quelque affection en reconnaissance des bienfaits dont ils ont été comblés, il la croit tardive et la regarde comme nécessairement inférieure à la sienne. « Les parents, dit-il, aiment leurs enfants

  1. Ethic. Nicomach, édit. Tauchnitz, p. 182 et. 183.