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Page:Revue pédagogique, premier semestre, 1879.djvu/469

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REVUE PÉDAGOGIQUE.

chands, intendants, économes. Mais, lorsqu’ils trouvent un esclave ivrogne, glouton, incapable de toute fonction utile[1], c’est à lui qu’ils confient leurs enfants… Il y a bien lieu de mépriser certains pères qui, par ignorance ou par inexpérience, remettent leurs enfants entre les mains d’hommes obscurs et inconnus avant de les avoir éprouvés. Mais ce qui est le comble de la folie, c’est que souvent, quoique avertis par des personnes éclairées de l’inexpérience et de la mauvaise conduite des maîtres qu’on leur propose, ils ne laissent pas de les prendre, cédant aux caresses de leurs flatteurs ou aux sollicitations de leurs amis. C’est ressembler à un malade qui, pour plaire à un ami, quitterait un médecin habile duquel il aurait lieu d’espérer sa guérison pour en prendre un qui le tuera par sa maladresse ; ou à un voyageur qui renverrait un excellent pilote, et, à la prière de son ami, en prendrait un détestable… Il en est même qui portent si loin l’amour pour l’argent et l’indifférence pour leurs enfants, que, dans l’intention d’éviter la dépense, ils leur choisissent pour gouverneurs des hommes de nul mérite dont l’ignorance est toujours à bon marché. Aristippe fit un jour à l’un de ces hommes privés de sens une réponse pleine de sel. Comme il lui demandait mille drachmes pour élever son fils : Par Hercule, dit le père, quelle exigence ! avec mille drachmes, je puis acheter un esclave. — Et même tu en auras deux, répondit Aristippe : ton fils et celui que tu auras acheté[2]. »

Cette vive critique de Plutarque contre la sottise des pères de son temps n’a pas perdu tout intérêt du nôtre. La bonne éducation de la jeunesse est un avantage précieux qu’on ne

  1. Nec cuiquam serio ministerio accommodatus…, Tacite, Dial. des Orat., 29.
  2. De Liber Educ., p. 7, 8 et 9.