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Page:Revue pédagogique, premier semestre, 1880.djvu/624

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REVUE PÉDAGOGIQUE.

vaient à ce fleuve, mais il l’entraîna au sud-ouest, et le livra pour ainsi dire à un autre chef, Kassongo, près duquel, à Kilemmba, il trouva les Portugais. Des mains infidèles des Arabes, il était tombé dans des mains plus infidèles encore : il ne pouvait être que moins heureux ? Les traitants portugais faisaient aussi le trafic des noirs, et comme les Arabes ils écartèrent « des pays de production » l’Anglais ennemi de l’esclavage. L’un d’eux, José Antonio Alvez, noir métis, répétait sans cesse : « Ma parole vaut un écrit, je suis le plus honnête homme du monde » ; il mentait impudemment. Caméron fut leurré d’espoirs toujours déçus ; retenu à Kilemmba, du mois d’octobre 1874 au mois de février 1875, il explora les environs : il visita le lac Mokrya et ses îles flottantes ; il aperçut de loin, des bords du Lovoï, le lac Kassali. Il parlait encore d’aller au nord, au lac Sankorra, mais nul ne l’écoutait ; et Kassongo, qui avait refusé de le voir jusqu’alors et qui le reçut enfin, ne lui laissa le choix qu’entre la route du Tanganyika et celle du Benguela : « mieux valait traverser l’Afrique ». Mais Alvez retardait toujours le départ. Il était arrivé un autre « chenapan », métis aussi, Lourenço Souza Coimbra, fils du major Coimbra de Bihé, dans le Benguela. Ce scélérat fieffé s’habillait d’une robe de femme ; il était accompagné d’une troupe d’esclaves femmes qu’il maltraitait indignement, et sous prétexte de services, il avait des exigences odieuses et repoussantes. Ces misérables ne quittèrent Kilemmba que pour s’arrêter encore à Totéla : enfin après mainte fourberie, ils partirent réellement le 10 juin, Caméron arriva en dix jours à Lounga-Manndi et de l’Ouroua passa dans l’Oussammbé. Et partout que de ravages, que de misères ! De vils marchands échangent près des chefs noirs quelques étoffes, quelques armes contre des esclaves ; acheteurs et vendeurs sont aussi misérables les uns que les autres. Nous ne suivrons pas le voyageur dans toutes ses étapes ; pendant deux cents kilomètres, il se tint sur la crête des montagnes qui séparent les eaux du Congo des eaux du Zambèze ; enfin par 11° 20’ de lat. et 19° de long. E. il coupa la route qu’en 1854 avait parcourue Livingstone pour se rendre à Loanda. Il rencontra même un chef, Kolammbé, qui avait vu le missionnaire, mais la seule chose qu’il en put tirer, c’est que Livingstone