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Page:Revue pédagogique, premier semestre, 1884.djvu/325

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ÉTUDE ET ENSEIGNEMENT DE LA GÉOGRAPHIE EN FRANCE

vait, elle s’y livra tout entière. Elle aiguisa et fortifia sa critique, approfondit et scruta tous les détails, accumula une masse de matériaux où chacun pouvait venir puiser avec la certitude de trouver toujours ce qu’il cherchait. Mais en même temps elle se faisait à son tour voyageuse et exploratrice. Déjà le Danois Carsten Niebuhr[1] avait ouvert l’ère des voyages véritablement scientifiques. Bientôt Gmelin et Pallas[2], au service de Catherine Il, : attachaient leurs noms aux plus brillantes découvertes. Alex. de Humboldt arrivait, qui partait pour l’Amérique du Sud[3], au moment où, Burckhardt[4] nous révélait pour ainsi dire une Syrie nouvelle, mêmes après Volney ; et plus tard Alex. de Humboldt accomplissait au cœur de l’Asie un grand voyage d’étude qu’il rêvait depuis vingt ans[5]. Érudits et voyageurs travaillaient donc de concert à accumuler les matériaux qui n’attendaient que la main de l’ouvrier. Vienne un esprit d’élite et capable, de les mettre en œuvre, qui joigne à une connaissance approfondie des textes et des documents des vues larges et élevées, qui ramène à quelques lois générales précises l’ensemble si varié des faits géographiques, quelle influence féconde ne pourra-t-il pas exercer sur son pays et son temps ! Ce fut là le rôle de Ch. Ritter[6], auquel les Allemands attribuent justement l’honneur d’avoir compris, étudié, et enseigné la géographie comme jamais elle ne l’avait été jusque-là. À ce titre, Ch. Ritter fut un véritable créateur.

Ce fut pour lui qu’Alexandre de Humboldt, son maître et son ami, fit créer à l’Université de Berlin, en 1820, la chaire de géographie. Il l’occupa pendant plus de trente ans. On peut deviner ou comprendre <e que dut être un enseignement donné de si haut,’et pendant un si long espace de temps, par un des plus puissants esprits du siècle, qui non seulement était un géographe dans la pure et large acception du mot, mais qui unissait à une science profonde la critique la plus sûre, et à un talent de généralisation des plus remarquables un esprit éminemment philosophique. L’influence exercée par Ch. Ritter fut double. D’une part il exposa et popularisa la nouvelle doctrine scientifique, sur laquelle allaient. dès lors reposer et l’étude et l’enseignement de la géographie, en Allemagne, comme dans toute l’Europe savante ; de l’autre, il groupa autour de sa chaire une foule de disciples, dont quelques-uns furent ses dignes continuateurs.

  1. Son voyage en Arabie se place de 1761 à 1767.
  2. De 1768 à 1774, ils parcoururent la Russie et la Sibérie.
  3. De 1800 à 1805.
  4. De 1799 à 1805.
  5. 1824-1829.
  6. Né à Quedlinbourg en 1779, et mort à Berlin, la même année que Humboldt, en 1859.