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Page:Revue pédagogique, premier semestre, 1885.djvu/312

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REVUE PÉDAGOGIQUE

Il retrouve partout sa trace,
Et refait — ce qu’il a rêvé !

» Mauvais rêve, dis-je au bon maître :
(Et je sentis mon cœur serré…)
J’étais grondé, puni peut-être,
Seulement pour avoir pleuré ! »

Puis, honteux, après un silence :
« Je n’apprenais pas ma leçon
Pour rêver du ciel de Provence,
Et du lierre de ma maison !…

> Certes, il faut lire dans un livre,
Mais aussi dans les fleurs des bois,
Et si Virgile nous enivre,
C’est qu’un oiseau chante en sa voix !

» Quand nous disons rosa, la rose,
Montrez-nous les rosiers aimés,
Ou n’apprenez que de la prose
À l’enfant que vous enfermez !

» Cette muraille, ah ! qu’elle est haute !… »
— « Oui, nos petits ne l’aiment pas,
Dit le maître, bon comme un hôte :
Ils jouent mieux sous ces murs plus bas… »

Alors, mon enfance oubliée
Revint vers nous et lui parla…
« Oh ! murmura sa voix mouillée,
Monsieur, plantez un lierre, là ! »

— « Monsieur, me dit le jeune maître,
Si vous revenez dans dix ans,
Vous ne pourrez plus reconnaître
Ce mur en horreur aux enfants…

» Un lierre en couvrira la pierre,
Verdure d’hiver et d’été…
Les oiseaux viendront dans le lierre,
Car le lierre sera planté… »

Je crus voir, en passant la porte
Du lycée aux murs étouffants,
L’ombre de mon enfance morte
Qui jouait avec des enfants.