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Page:Revue pédagogique, premier semestre, 1885.djvu/349

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M. PHILBRICK ET LES INSTITUTEURS AMÉRICAINS

du jour au lendemain un maître vicieux ou incompétent étaient un puissant stimulant et obligeaient les instituteurs à des efforts vigoureux et soutenus et à la bonne conduite. Enfin, cette permanence de l’emploi n’est-elle pas contraire à l’esprit de nos libres institutions et trop anti-américaine pour trouver crédit auprès de nous ?

M. Philbrick répond qu’il suffit d’instituer des garanties contre les risques que signalent ses contradicteurs, et que cela lui paraît facile. Il demanderait :

1° Que les maîtres reçussent une solide instruction professionnelle dans des écoles normales ;

2° Qu’on ne pût enseigner sans un brevet délivré par l’autorité centrale après examen ;

3° Que, même avec le brevet, on ne pût enseigner à titre définitif dans une école publique qu’après un stage qu’il propose de fixer à deux ans, mais qui pourrait être de trois ou quatre, si deux années paraissaient insuffisantes ;

4° Que l’élection parmi les candidats ainsi préparés fût faite avec la plus grande attention et en tenant compte de l’ancienneté et du mérite, par l’autorité scolaire supérieure, sur une liste de trois ou quatre noms dressée par le comité local ;

5° Que l’on maintint pour chaque maître l’espoir de s’élever peu à peu dans la hiérarchie. En France, dit-il, l’avancement hiérarchique est si bien agencé, qu’un jeune homme de mérite entrant dans sa carrière comme adjoint dans le hameau le plus écarté d’un pays de montagne peut espérer arriver, par des avancements bien gagnés, à la direction d’une école de chef-lieu, ou devenir soit directeur d’une école normale, soit inspecteur ;

6° Une pension de retraite est nécessaire non seulement pour assurer les vieux jours du maître, mais pour permettre aux serviteurs publics âgés et fatigués de se retirer à temps sans que leur réputation ait à en souffrir et sans qu’il soit nécessaire de les révoquer.

Nos instituteurs peuvent voir d’après cette courte analyse du travail de M. Philbrick que leur situation parait enviable à leurs collègues d’Amérique. Leurs traitements sont peut-être moins élevés, mais ils ont un bien qu’on n’apprécie que lorsqu’on en a été privé, la sécurité, la certitude que, tant qu’ils s’acquitteront de la tâche qui leur est confiée, il ne sera pas touché à leur position. Et celte assurance leur permet de se livrer à leurs travaux avec le calme et la tranquillité d’esprit nécessaires, de fonder une famille, sûrs du lendemain, pouvant même espérer d’arriver à des positions supérieures et plus rémunératrices, s’ils développent leur instruction personnelle et font preuve de zèle et de capacité dans leur tâche de chique jour, Il est bon de regarder quelquefois autour de soi pour apprécier la situation où l’on vit. Certainement bien des instituteurs français ne pensaient pas que leurs collègues des États-Unis enviassent leur sort.