Aller au contenu

Page:Revue pédagogique, premier semestre, 1887.djvu/110

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

de son livre ; et c’est sous les auspices d’une femme, la plus gracieuse, la plus spirituelle de toutes, que s’ouvre le volume. La préface est consacrée en effet à Mme de Sévigné. L’auteur ne pouvait choisir de plus aimable introductrice que la mère de Mme de Grignan, « la plus tendre des mères, la plus inquiète des grand’mères », plus admirable encore comme grand’mère que comme mère, toujours en émoi et profondément troublée sur le sort, sur l’éducation de ses petites-filles, Marie-Blanche et Pauline de Grignan. M. Gréard revient volontiers sur ce sujet délicat de l’affection des grands parents : il y insiste avec une complaisance marquée, où il nous semble saisir l’écho, l’accent ému d’une expérience, d’une compétence personnelle. Il nous représente Mme de Sévigné surveillant de loin avec sollicitude les études de ses petites-filles, de Pauline surtout, grande dévoreuse de livres, qui « met son petit nez » dans Ovide, Lucien, Voiture, Nicole, Corneille, et qui n’a rien à redouter, à en croire sa grand’mère, ni des romans, ni des mauvaises lectures, parce que « tout est sain aux sains ». Il nous émeut surtout, en nous racontant les longs combats intimes que Mme de Sévigné eut à soutenir conte la « philosophie » de Mme de Grignan, philosophie qui ressemblait beaucoup à une certaine sécheresse de cœur, et qui se traduisait chez elle par l’intention formelle, qui ne fut réalisée que pour Marie-Blanche, de mettre ses filles au couvent. Mme de Sévigné avait l’esprit trop ouvert, trop libéral pour aimer les couvents dont elle disait : « Il n’y a point d’éducation qui s’y puisse faire, ni sur le sujet de la religion que nos sœurs ne savent guère, ni sur les autres choses… » Mais après avoir lu la Préface de M. Gréard, on devine que les ressentiments de la grand’mère étaient pour quelque chose dans la vivacité de son jugement : elle ne pardonnait pas au cloître, ravisseur de ses petites-filles, qui avait refermé ses portes sur « sa petite, sa bonne petite » Marie-Blanche, et qui avait failli lui enlever aussi « Paulinotte ».

C’est à Mme de Sévigné que M. Gréard a emprunté aussi l’épigraphe de son livre ; il a pris pour devise cette spirituelle boutade : « Je dis toujours que si je pouvais vivre seulement deux cents ans, je deviendrais la plus admirable personne du monde ! » C’était dire en souriant ce que Mme Necker de Saussure répétera