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Page:Revue pédagogique, premier semestre, 1887.djvu/111

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plus tard avec gravité, lorsqu’elle écrira l’Éducation progressive ; à savoir que la véritable éducation se continue toute la vie, et que pour une âme en quête de progrès, en marche vers la perfection, aucun jour n’est inutile, aucun âge indifférent. « Ce mot, dit M. Gréard, d’une raison si haute et d’une grâce féminine si pénétrante, résume sur un point fondamental les doctrines exposées dans ce volume. »

Puisque Fénelon et Rousseau sont, pour ainsi dire, le centre de l’ouvrage, c’est aux chapitres que l’auteur leur a consacrés qu’il faut s’adresser d’abord pour saisir le fil conducteur de son travail. Nous ne dissimulerons pas que M. Gréard nous paraît légèrement indulgent pour l’illustre écrivain de l’Éducation des filles. Fénelon n’est pas, croyons-nous, de la race de Boileau, dont mal parler porte malheur. Ainsi nous permettons-nous de lui trouver quelques défauts, tout en reconnaissant ses admirables qualités. Sa pédagogie, toute de douceur, de facilité, de complaisance pour l’enfant, est vraiment trop aimable, trop souriante. Fénelon dispense trop l’élève de l’effort. Il ne lui fait pas répéter sa leçon, « de peur de le gêner ». Il ose à peine lui dire ses défauts, « de crainte de l’affliger ». Il supprime dans l’éducation tout ce qui est laborieux, à force d’écarter tout ce qui est rebutant. Il appartient à l’école des optimistes, et il voit trop aisément toutes choses en beau. M. Gréard, lui aussi, relève un peu de la même inspiration. C’est un caractère général de sa critique, qu’elle penche toujours vers l’indulgence, non de parti pris, mais plutôt par un instinct irrésistible de bienveillance. On pourrait répéter de lui ce qu’il écrit de Mme Necker, qui était indulgente « par équilibre de raison ». Nous ne lui en ferons pas un reproche, nous surtout qui avons profité, quand nous l’avions pour rapporteur à l’Académie des sciences morales et politiques, de la douceur de ses jugements. Néanmoins nous jugerions, quant à nous, Fénelon avec plus de rigueur. Celui que Louis XIV appelait — pour des raisons personnelles, il est vrai — le plus chimérique esprit de son royaume, n’a peut-être pas eu toujours « le sens du réel ». Il s’égare parfois en pédagogie, comme il s’est égaré en théologie. Il se trompe quand il veut qu’on enseigne tout comme en se jouant, quand il résume sa pensée sur les méthodes d’instruction et de discipline en