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Page:Revue pédagogique, premier semestre, 1887.djvu/204

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REVUE PÉDAGOGIQUE

si commune. Mais enfin il n’est pas rare qu’un homme ne soit dans l’ordre moral frappé d’un abus à réformer, dans l’ordre de l’art d’un sujet à traiter, et ne tressaille à ce coup de lumière. Si vous saviez ce qu’il me vient de gens qui me disent :

« J’ai une idée de pièce ! »

Et en effet ils ont une idée de pièce, et cette idée souvent n’est pas mauvaise. Si elle n’est pas absolument originale, elle mérite d’être renouvelée par l’exécution.

Mais l’exécution, voilà le diable. Tant qu’une idée flotte dans les espaces, vague et brillante, capable seulement d’amuser l’imagination qui en admire les contours indécis, c’est comme si elle n’existait pas. Il faut qu’elle prenne corps, pour ainsi parler ; il faut qu’elle marche, vivante, sur le sol ferme de la réalité et se laisse manier à toutes les mains.

L’humanitairerie compte des légions d’’utopistes. Celui-là seul est un sérieux bienfaiteur de l’humanité, qui, ayant trouvé une façon nouvelle de soulager la misère et de faire le bien, ne s’est pas contenté de l’exposer en beaux termes et d’y trouver un thème à des développements pleins d’éloquence, mais qui a lui-même retroussé ses manches, et mis, comme on dit, la main à la pâte, qui n’a dit aux autres : « Faites comme moi » qu’après avoir achevé sa besogne.

C’est là le grand honneur de M. W. Bion ; vous lirez, avec le plaisir que j’y ai trouvé moi-même, le rapport si clair, si précis, d’un style à la fois si modeste et si franc, qu’il a écrit sur son œuvre ; je ne saurais en vérité ni mieux dire, ni même dire autrement.

Laissez-moi en causer avec vous, et vous dire comment j’ai fait connaissance avec elle.

J’ose à peine l’avouer à M. Bion. Quand son idée m’a été présentée pour la première fois, elle m’est arrivée sans nom d’auteur. Je savais vaguement qu’elle venait de la Suisse, d’où elle était originaire. J’ignorais de qui elle était fille. Il me semble qu’à cette heure je connais assez M. Bion pour savoir que cet aveu ne lui causera nul chagrin. ]l est de ceux qui tiennent infiniment plus à la propagande de leur idée qu’à la célébrité de leur nom. Pourvu que le bien se fasse, que leur importe qu’on sache la part qu’ils y ont eue ! Mais, s’ils sont assez