facile d’émouvoir un auditoire, surtout un auditoire neuf composé d’élèves-maîtres. Tous seront émus avec le maître qui saura les intéresser par sa lecture, et tous seront tentés d’essayer leurs forces pour l’imiter en relisant le morceau dont il leur aura fait sentir les beautés. Pourquoi le directeur, les professeurs de lettres, ne feraient-ils pas, à tour de rôle, devant les trois années réunies, le jeudi ou le dimanche, au retour de la promenade ou de la sortie, une lecture expressive sans commentaires, qui durerait vingt minutes ou une demi-heure au plus ? Aucun d’eux ne songerait à se plaindre de ce supplément de travail, si utile à la formation et aux succès des élèves, à qui il donnerait un exemple et de l’entrain.
Mais c’est principalement en troisième année, au moment où les élèves savent lire, que le programme des auteurs à expliquer doit être préparé. Toutes les leçons du maître seront faites en serrant le texte de très près ; on ne se perdra pas dans des généralités vagues pour les élèves qui n’ont pas lu avec assez d’intelligence les œuvres à étudier. Du reste, beaucoup de leçons pourront être faites par les élèves eux-mêmes . Que la moitié d’entre eux prépare, par exemple, le caractère d’un des principaux personnages d’une pièce, et l’autre moitié l’analyse de cette pièce : tous seront forcés de lire l’œuvre entière, et tous, ayant un but à atteindre par cette lecture, auront l’attention soutenue. Un élève, tiré au sort dans chaque section, exposera une courte leçon que ses camarades seront appelés à critiquer : le maître aidera les uns et les autres en leur suggérant des idées, des explications, en précisant ou en complétant leurs assertions, en les détruisant quelquefois. Est-il besoin de dire que ce genre de leçon exigera du maître une plus longue préparation et une plus grande habileté que s’il devait lui-même exposer le sujet à traiter ?
Le professeur pourra encore charger un ou deux élèves de chercher dans un auteur la page qui leur plaît le plus ou même qui leur paraît la plus mauvaise. En leçon, ils essaieront de justifier leur choix, et leurs camarades seront appelés à dire s’ils pensent de même, sinon ils indiqueront leur préférence personnelle en essayant d’en donner les raisons. On pourrait encore inviter les élèves à recueillir, par exemple, les vingt plus beaux vers d’une pièce, à les apprendre par cœur, et en leçon ils légitimeraient leur choix. Les mêmes procédés seraient employés pour les auteurs en prose. En agissant ainsi, le professeur parlera peu, mais les élèves parleront beaucoup et travailleront mieux, ce qui est préférable. De plus, ils seront forcés d’étudier sans cesse leurs auteurs à expliquer, texte en mains.
Presque partout nous trouvons l’indication du carnet de notes ; quelques professeurs insistent sur la nécessité de le tenir au courant au jour le jour, de le communiquer aux maîtres, d’y laisser une colonne blanche pour y inscrire les observations tirées des leçons ou d’une seconde lecture.