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Page:Revue pédagogique, premier semestre, 1891.djvu/114

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REVUE PÉDAGOGIQUE

Il y a divergence sur l’utilité de fixer des heures précises pour la lecture des auteurs. Si quelques-uns de nos correspondants assignent à cette occupation un moment déterminé, d’autres combattent cette idée et veulent laisser la liberté aux élèves de choisir leur temps. L’un d’eux s’exprime ainsi :

Il me semble qu’il n’est pas inutile d’insister sur le défaut que nous avons souvent de tout réglementer. Dans certaines écoles normales, la circulaire était à peine lue qu’on fixait deux études par semaine, de 5 à 6 heures du soir, pour les lectures soit historiques, soit littéraires. Le directeur et les professeurs de lettres indiquent à l’avance ce qu’on devra lire, et les élèves doivent obéir à l’ordre, eussent-ils le désir et même le besoin de consacrer le temps fixé à un autre travail. Pour Dieu, ne ramenons pas le temps, peu éloigné encore, où l’on obligeait les élèves à ne faire que des sciences pendant certaines heures interdites à l’histoire ou à la grammaire ! Sans doute on s’inspirait dans ces indications de l’emploi du lendemain, sans doute on n’avait en vue que le bien des élèves et la sérieuse préparation des leçons, mais il est facile de comprendre qu’on obtenait rarement le résultat attendu. Pourquoi ? parce que la réglementation excessive ne vaut rien en fait d’études ; parce qu’il faut tenir compte des dispositions des élèves : tel fera avec profit des mathématiques qui perdrait son temps en étudiant l’histoire ; tel autre qui se sent disposé à préparer une leçon de sciences naturelles réussirait fort peu en littérature. L’obligation de s’occuper à tel travail rend souvent ce travail moins fructueux ; laissons donc le plus de liberté possible.

Je pense qu’on obtiendra peu de résultats si l’on veut imposer la lecture à tel jour et à telle heure fixés par un emploi du temps ; je crains même qu’on n’amène que le dégoût de la lecture. Certainement il faut que les élèves lisent et lisent beaucoup, le professeur de littérature le demande à chaque leçon, soit pour les auteurs du programme triennal, soit pour ceux qui servent à l’intelligence du cours d’histoire littéraire. Mais pourquoi réglementer ainsi et exiger que ces lectures soient faites de 5 heures à 6 plutôt que de 7 à 8 ? pourquoi le lundi et le vendredi plutôt que le jeudi ou samedi ? Sans doute nous obtiendrons que l’élève lise aux heures et aux jours indiqués, mais il ne lira que par force, parce que le professeur est là qui surveille ; il lira sans goût, des yeux seulement, songeant au devoir qui n’est pas achevé et qu’il doit présenter le lendemain, pensant aux notes qu’il a prises aux cours de la journée et qu’il doit compléter : son esprit ne sera pas à son travail, les lignes passeront devant ses yeux sans qu’il en comprenne le sens. En résumé, la lecture deviendra pour lui une corvée ennuyeuse qu’il évitera aussi souvent que possible et dont il se souviendra toujours pour la détester. Est-ce là ce que nous cherchons ?

… Je demandais, plus haut, la liberté pour les lectures classiques ; je ne pense pas me contredire en fixant une étude spéciale pour les