Devant un décret de l’autorité, toutefois, ils céderaient sans résistance, nombre même satisfaits de se voir imposer une mesure qu’ils n’auraient osé prendre d’eux-mêmes. « Nos enfants sont-ils forcés d’aller à l’école ? disent-ils à l’instituteur. Non, répondez-vous, alors ils n’iront pas. Oui, ils iront. »
Comme j’étais surprise à Toudja de voir l’école indigène presque au complet, quarante-cinq élèves, le moniteur, Brahamben-Mohammed, me répondit : « Je n’ai eu longtemps que cinq ou six élèves. Mais l’administrateur a imposé l’obligation d’office ; il a fait venir les parents, en a condamné quelques-uns à l’amende, et l’école s’est aussitôt remplie. »
La grande objection, c’est l’insuffisance des écoles, et l’énorme dépense où l’on serait conduit si on les voulait compléter. Rien n’empêche toutefois d’appliquer la loi dans la mesure où elle est applicable, de remplir les écoles qui existent, en attendant celles qu’on bâtira, soit en limitant l’obligation à la circonscription de l’école, soit en faisant un choix parmi les élèves. Cette mesure suffirait pour le moment.
L’énergie de l’instituteur joue aussi un rôle dans la question. À El-Kantara, où on a fait beaucoup de dépenses, j’ai vu cinq ou six enfants à peine dans une grande école, pendant que les rues étaient encombrées de véritables troupeaux poursuivant de leur mendicité les voyageurs. Au Vieux-Biskra au contraire et à Sidi-Okhba, tout aussi sauvage, les écoles étaient presque pleines. Celles-ci, il est vrai, conduites par des moniteurs indigènes, restent sous la surveillance de l’instituteur très actif et très capable de Biskra. Les adjoints indigènes sont utiles pour inspirer confiance à la population et stimuler le zèle des élèves qui aspirent à l’enseignement ; mais ils ont besoin chez les nôtres d’un guide et d’un contrôle.
Les instituteurs s’accordent à trouver les enfants indigènes disciplinés, souples, pleins de bon vouloir. Aucune plainte non plus, aucune complication du côté des familles. Une grande distinction toutefois peut être établie entre le Kabyle et l’Arabe. Le Kabyle est sinon plus intelligent, au moins plus ardent, plus actif, plus apte aux idées générales, plus enclin à s’assimiler notre civilisation, nos méthodes et nos mœurs. L’école réussit et progresse partout en Kabylie.