Page:Revue pédagogique, premier semestre, 1892.djvu/120

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de juger si vous ne vous trompez pas sur les convenances » ; et le chapitre en est long, heureusement ! Sophie est, à l’égard de son fiancé, « son égale par la naissance et le mérite, son inférieure par la fortune », etc. Nous voyons ici clairement pourquoi Rousseau n’a pas marié Saint-Preux à Julie dans la Nouvelle-Héloïse. Mais « il est temps de finir », comme l’avoue Rousseau, et, pour nous, de donner notre conclusion.

Elle sera courte, en vertu même de l’étendue de notre analyse. Parmi les utopies de l’Émile brillent des vérités que les éducateurs modernes ne se bornent pas à célébrer officiellement, mais dont ils s’inspirent visiblement. Une certaine confiance dans le développement naturel des facultés de l’enfant ; un appel direct à ses curiosités instinctives et à sa dignité naissante : la diminution de la concurrence dans les classes ; la substitution des interrogations multipliées, des développements motivés et spontanés et des leçons de choses, en prenant le mot dans un sens large, aux leçons ex cathedra ; et, pour préciser, l’enseignement du dessin par la copie directe des objets présentés dans la réalité de leurs trois dimensions ; enfin, le respect des droits de l’écolier à la vérité démontrée et non imposée, aux libres exercices du corps et de l’esprit, à la santé et au grand air, sont autant de conquêtes de Rousseau sur le pédantisme, et sur cette défiance séculaire dont l’enfance était l’objet. Or, pour reconnaître que l’Université les a faites siennes, il suffit d’ouvrir les divers recueils de ses Instructions et Règlements. En un mot, la pédagogie universitaire, sans diminuer chez l’élève l’effort nécessaire, se préoccupe de le provoquer par l’excitation agréable ; et, en cela, elle relève tout entière de Rousseau.