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Page:Revue pédagogique, premier semestre, 1892.djvu/37

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L’ENSEIGNEMENT CHEZ LES INDIGÈNES MUSULMANS D’ALGÉRIE

apprendrons comme langue étrangère au sortir de l’atelier. Vous êtes Kabyles, et la langue arabe ne vous sert que quand vous voyagez en pays arabe. Nos écoles seront fondées en vue des intérêts communs des Kabyles et des Français, et s’il s’y trouve quelque défaut, Dieu nous suggérera le moyen d’y remédier. Un dernier mot. Nos écoles seront absolument gratuites, ouvertes aux enfants des pauvres aussi bien qu’à ceux des riches Nous remercions votre gouvernement béni, et nous vous promettons de vous envoyer nos enfants[1] ».

« Les Kabyles sont pauvres, ils ont besoin de leurs enfants pour garder leurs troupeaux », telle est l’objection la plus fréquente et la plus sérieuse qui nous ait été faite par les indigènes. N’est-il pas curieux de retrouver, chez ces paysans de l’Atlas, exprimées presque dans les mêmes termes, les répugnances et les préventions de certains paysans français d’autrefois — et peut-être encore d’aujourd’hui ? — Les nôtres étaient même plus platement prosaïques. Aux inspecteurs que M. Guizot avait chargés de l’enquête préliminaire à la grande loi de 1833, ne répondaient-ils pas : « Il y a les oies à garder et les champs à glaner », ou bien : « C’est de pain que nos enfants ont besoin et non de livres », ou bien encore : « Plutôt que d’aller à l’école, ils feraient bien mieux d’aller curer le fossé[2] ».

Au mois de mai de la même année, le directeur de l’école des lettres d’Alger reparut en Kabylie, et j’eus la bonne fortune de l’y accompagner. Nous vérifiâmes de nouveau les emplacements : nous vîmes les Administrateurs français, les présidents des confédérations, les amin des villages, et les bonnes dispositions de la population et de ses chefs indigènes nous furent de nouveau confirmées. Des pourparlers s’engagèrent pour l’acquisition des terrains. On pouvait craindre que les rivalités de service entre la hiérarchie académique et la hiérarchie administrative, l’embarras que semblait causer à l’académie d’Alger la perspective d’avoir à créer et à surveiller des écoles en ces pays perdus, enfin la multiplicité contradictoire des idées et des projets mis en avant, ne retardassent l’heure de la mise à exécution.

  1. Il est regrettable qu’après dix années écoulées, aucune école n’ait été fondée dans le pays. Le nouvel Administrateur du Djurdjura vient de mettre un projet à l’étude.
  2. Jules Simon, l’École.