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REVUE PÉDAGOGIQUE

Le ministre résolut de couper court aux difficultés en faisant un choix dans les emplacements déjà reconnus, et en faisant bâtir aux frais du ministère. Par arrêté du 23 août 1881, M. Scheer fut chargé de l’organisation de l’enseignement en Kabylie et de la surveillance des travaux de construction. M. Scheer, alors instituteur à Fort-National, parlant avec facilité les deux langues arabe et kabyle, connaissant le pays village par village et pour ainsi dire homme par homme, fut le plus précieux des collaborateurs. Le décret du 9 novembre 1881 créait huit écoles, qu’il désignait nominativement ; il prescrivait au recteur d’Alger de procéder à l’acquisition des terrains sur les bases des promesses de vente négociées par M. Masqueray. C’était un fait nouveau que la formation d’un domaine universitaire dans ce pays sauvage ; il n’était pas moins inouï de voir le ministère de l’instruction publique assumer seul la charge de ces créations. Cette initiative était cependant indispensable, car de longtemps on ne serait sorti de la période des essais et de tâtonnements.

Pour préparer des maîtres aux futures écoles on fit appel à l’élite des instituteurs de la métropole et de la colonie : on exigeait d’eux qu’ils eussent obtenu le brevet supérieur, et, comme il s’agissait de vivre en pays musulman, qu’ils fussent mariés. Avant d’entrer en fonctions, ils devaient suivre pendant six mois une sorte de cours normal, qui devait d’abord être établi à Tizi-Ouzou, et qui le fut ensuite à Fort-National, où le génie militaire prêta des locaux pour les habitations et pour les cours. L’enseignement devait porter sur la langue kabyle et aussi sur les coutumes du pays, qu’il importe de bien connaître pour éviter de froisser les idées si particulières des indigènes.

À cet enseignement on put joindre, grâce au dévouement du Dr Ramonet, alors médecin militaire à Fort-National, des notions usuelles de médecine, de chirurgie et d’hygiène. Dans les tribus éloignées du chef-lieu de commune, l’indigène ne peut espérer aucun secours médical en temps utile ; il est donc obligé de recourir à ses toubib qui en sont encore à la science du moyen âge arabe et dont les remèdes sont plus redoutables que le mal. Si sommaire que fussent les notions de l’instituteur, si élémentaire la petite pharmacie qu’on adjoignait à son école, il était appelé à rendre aux indigènes de très grands services. Il obtenait