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L’ENSEIGNEMENT CHEZ LES INDIGÈNES MUSULMANS D’ALGÉRIE

maison kabyle ? Elle est construite en pierres, comme les nôtres ; elle est couverte, comme elles, d’une toiture en tuiles ; mais là s’arrête la ressemblance entre les demeures des sédentaires de là-bas et celles des sédentaires de France.

Au seuil de la maison kabyle se hérissent les pointes de roches ou les feuilles tranchantes des schistes, se creusent des trous, s’étalent les flaques de boue et d’argile glissante.

Si vous franchissez le seuil, prenez garde ; car la maîtresse poutre de la porte est basse et, si vous n’êtes pas averti, vous allez vous faire une bosse au front.

S’il y a une cour intérieure, c’est un marais. S’il y a un escalier, c’est un casse-cou, aux marches étroites, usées, glissantes. Allez doucement et serrez-vous bien contre le mur : il n’y a pas de garde-fou. J’ai vu un de mes compagnons de route descendre plus vite qu’il n’était monté, car il descendait sur les reins.

Les pièces de l’habitation semblent des antres, tant il y fait sombre. À la vérité, il y a des ouvertures, mais on ne peut leur donner le nom de fenêtres. Elles ne sont fermées ni de vitres, ni de volets, et les courants d’air sont là comme chez eux. Elles sont toujours petites, mais jamais de la même grandeur, jamais de la même hauteur, jamais de forme géométrique.

Le montagnard ne sait ce que c’est que la ligne droite ou la symétrie : les flancs des murs inclinés, surplombants, vallonnés, disent son peu de familiarité avec le fil à plomb.

Ne cherchez pas de lit : on couche sur des banquettes irlandaises de maçonnerie ou de terre battue. Sur le sol inégal vous trébuchez ; vous vous heurtez contre les poutres mal équarries, noueuses, tordues, gibbeuses, qui se dressent çà et là pour soutenir le toit.

Pas de foyer devant lequel vous puissiez étendre vos vêtements trempés par les orages de montagne ; mais un brasier dans un coin ou simplement au milieu de la pièce, et une âcre fumée qui flâne longtemps sous les poutrelles noircies et luisantes de suie, avant de trouver son issue par quelque trou du toit.

Il y a douze ans, le montagnard ne voyait guère autour de soi, en fait d’édifice européen, que le bordj du commandant militaire ou les maisons des colons, rarement fortunés. Et là il ne se sentait pas chez lui. Dans l’école, au contraire, bâtie tout exprès