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Page:Revue pédagogique, premier semestre, 1900.djvu/251

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L’ENSEIGNEMENT DE LA NAVIGATION A L’ÉCOLE PRIMAIRE

bateaux de pêche. Il est nécessaire de remédier à cette cause d’infériorité. Je pourrais citer à l’appui de cette remarque bien des faits que j’ai constatés ; qu’il me soit permis d’en relater un seul, noté au cours d’une tournée d’inspection.

Le 18 avril 1899, j’étais à Palais[1]. Après avoir visité les écoles publiques, je me promenais sur les quais avec M. Gallenne, conseiller général, ancien capitaine au long cours et l’un des membres les plus actifs de la société l’Union Belliloise, dont les bateaux font le service régulier de Palais à Quiberon, à Auray et à Nantes. Nous parlions de l’arrèté du 20 septembre et j émettais l’avis qu’un pareil enseignement pourrait susciter des vocations et permettre à bien des jeunes gens d’acquérir leur brevet de maître au cabotage, après on très bref séjour à l’école d’hydrographie.

À l’appui de cette prévision, M. Gallenne racontait qu’autrefois il y avait beaucoup de capitaines originaires de Belle-Île, et que M. Guillard[2], en particulier, avait préparé, à Palais, un grand nombre de jeunes marins devenus capitaines, qui, vraisemblablement, seraient sans lui restés simples pêcheurs toute leur vie. Il ajoutait que les temps étaient bien changés et que, pour conduire les trois vapeurs de l’Union Belliloise, on n’avait trouvé dans l’île qu’un seul maître au cabotage ; il avait fallu, en conséquence, faire venir des côtes de Vendée deux autres capitaines.

Continuant la conversation sur ce sujet, M. Gallenne me conduisit en face d’un côtre de vingt tonneaux, ancré dans l’avant-port ; il avait été lancé tout récemment et l’équipage vérifiait l’état des manœuvres, avant de prendre la mer.

« Ce bateau va partir, dit M. Gallenne, pour aller pêcher le homard sur les hauts-fonds de Rochebonne ; il est aménagé en vivier, de telle sorte qu’il ne doit rallier le port que lorsqu’il a. capturé un nombre assez considérable de homards ou de langoustes. Pour commander ce côtre, j’ai choisi un brave marin du pays, un loup de mer, bon pêcheur, honnête, énergique, ce que j’ai trouvé de mieux en un mot ; mais il est d’une ignorance complète sur les principes de la navigation. Il m’a déclaré qu’il

  1. À Belle-Île-en-Mer.
  2. M. Gaillard, aujourd’hui directeur de l’école de pèche de Groix, fut instituteur public à Palais, il y à vingt ans environ.