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Page:Revue pédagogique, premier semestre, 1909.djvu/33

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LA RÉFORME DE L’ENSEIGNEMENT DU DESSIN

a elle, l’enseignement du dessin est sorti de l’état inorganique où il était longtemps demeuré. Voilà le résultat qu’on ne put pas ne pas reconnaître lors de l’Exposition universelle de 1889 ; voilà ce que M. J.-J. Pillet, un lieutenant d’Eugène Guillaume, constatait avec une satisfaction légitime : « Dans toutes les écoles de France, écrivait-il, on enseigne le dessin d’après un seul programme, et les professeurs, jadis désunis et livrés à eux-mêmes, forment un personnel qui compte parmi les mieux recrutés et les plus sévèrement contrôlés[1] ». Et il ajoutait : « Pourvu que l’on continue dans la même voie, que l’on ne laisse pas s’endormir les bonnes volontés, et surtout que l’on ne change rien aux programmes, on peut affirmer que le moment est proche où les résultats les plus sérieux de tant d’efforts accomplis vont être obtenus, seront constatés par la nation et se manifesteront par un élan puissant imprimé à la production industrielle et artistique du pays ».

Tout en ne disant rien que de juste du personnel formé nouvellement, M. Pillet se faisait illusion sur l’avenir de l’enseignement du dessin tel qu’il était donné. L’heure approchait où ces programmes, qu’il souhaitait voir établis ne varietur, allaient être battus en brèche. À l’heure même de son triomphe, la méthode d’Eugène Guillaume avait été critiquée vivement par Ravaisson : « Les figures des êtres vivants ou, ce qui est la même chose, organisés, ne pouvant se calculer ni se construire rationnellement, comme celles qui ressortissent à la géométrie, nous les estimons par une action indécomposable de l’intelligence tout autre que la déduction dont se servent les mathématiques, action qu’on appelle soit intuition, d’un terme qui signifie vue, soit jugement, soit sentiment… Si l’on recherche ce que furent les premières ébauches de l’art grec, où apparut tout d’abord le caractère de son génie, on verra que ce ne furent point des figures froidement régulières comme celles auxquelles est bornée la géométrie, mais des imitations de choses vivantes, avec les formes souples et vivantes qui leur sont propres. Pourquoi donc imprégner d’abord l’imagination de l’idée de la plus pauvre et de la plus aride « les figures à laquelle elle inclinera toujours par

  1. Voir Monographie de l’enseignement du dessin, déjà cité.