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Page:Revue pédagogique, premier semestre, 1910.djvu/437

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L’ARCHÉOLOGIE DANS L’ÉDUCATION NATIONALE

chaque ville grecque, aux coins des rues, et dans les campagnes, aux carrefours des chemins, on rencontrait de vieux xoana, d’antiques idoles, objets d’un culte superstitieux et auxquelles, assurément, nul passant, même un ennemi, ne songeait à jeter des pierres. C’étaient les témoins sacrés de la vieille histoire et des luttes soutenues par les ancêtres, pro aris et focis. Tout le monde se racontait ces traditions, embellies d’âge en âge, devenues légendaires ; et qu’importait, je vous le demande, l’exactitude objective du récit, la réalité des prouesses des héros d’Homère, par exemple, puisque ces traditions entretenaient le culte de la patrie, la solidarité de la race hellénique, son sentiment de la beauté et son idéal moral, de la même façon que les pieux récits de la Légende dorée sont venus adoucir les mœurs des rudes populations du moyen âge. Il n’y avait pas un Grec qui ne connût par cœur au moins quelques vers d’Homère, et rappelez-vous l’aventure des prisonniers grecs dispersés comme esclaves dans la Sicile, après les désastres des Athéniens vers la fin du ve siècle avant notre ère : l’histoire raconte que ces soldats ne réussissaient à obtenir quelque répit à la dureté de leurs maîtres qu’en leur récitant les vers des tragédies d’Euripide.

Nous n’en sommes point là, certes, comme je le disais tout à l’heure ; mais ce que je viens d’indiquer rend compte de la persistance à travers les siècles de l’unité morale de la race hellénique et nous montre dans quel sens nous devons diriger nos efforts si nous voulons rétablir, à notre tour, l’unité morale de la France.

C’est pourquoi, messieurs, après la période des recherches savantes et des publications scientifiques qui, Dieu merci, est loin d’être close, mais qui a été presque exclusive jusqu’ici, j’estime que le moment est venu pour vos sociétés d’entrer résolument dans le mouvement vulgarisateur qui s’accentue de plus en plus dans toutes les branches de connaissances. Il s’agit pour les sociétés savantes de contribuer, à côté du Gouvernement et comme ses auxiliaires bénévoles, à sauvegarder, comme le disait naguère excellemment un écrivain contemporain, « la physionomie physique et morale de la terre française ». Au moment où une foule de monuments de toute sorte, depuis les édifices du culte catholique jusqu’au mobilier des églises, se trouvent confiés à la garde des pouvoirs publics ; au moment où la commission