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Page:Revue pédagogique, premier semestre, 1910.djvu/440

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REVUE PÉDAGOGIQUE

de livre de prix ou de livre de lecture courante. J’ai rêvé que ce livre du jeune Français lui raconterait l’histoire de sa petite patrie ; qu’il y contemplerait en images commentées les monuments dignes d’intérêt et de souvenir, le beffroi, l’église, la maison communale, le vieux château, le vieux marché, les vieilles maisons, les vieilles tombes, la forêt, les rochers mêmes et les sites pittoresques ; qu’il y trouverait l’explication des noms des rues, des chemins et des lieux-dits caractéristiques, de ces fontaines auxquelles sont attachées d’étranges superstitions qui remontent parfois jusqu’à l’époque gauloise ; qu’il s’y instruirait de l’histoire locale et de ces légendes dont l’origine plonge dans un lointain mystérieux et qui sont comme les pages à demi effacées d’une chronique modeste où circule l’âme du vieux temps ; et qu’ainsi, tout en s’habituant à comprendre, il s’attacherait d’instinct à ces témoins des événements heureux ou malheureux de son village, à tout ce qui rappelle la vie de ses ancêtres, leurs luttes pour de meilleures conditions d’existence ou pour la conquête de libertés politiques, les réjouissances exceptionnelles, le deuil des invasions, en un mot les incidents de toute sorte qui ont imprimé une trace profonde dans la vie du pays. Car, on l’oublie trop : dans chaque village de notre vieille France, il y a quelque vestige digne de respect, quelque lieu-dit curieux ; il y est né quelque citoyen dont le nom mérite d’être honoré : « Ici, suivant le mot de Cicéron. les souvenirs se pressent en foule, et chaque pas que l’on fait évoque quelque événement mémorable (quacumque ingredimur, in aliquam historiam vestigium ponimus). »

C’est aux Sociétés savantes de nos départements qu’il appartient de rédiger ces monographies populaires, puisque la plupart des éléments en sont consignés dans leurs mémoires et leurs bulletins. Ce livre sera celui que tout Français lira avec le plus d’intérêt et de profit, dont il connaîtra par cœur toutes les pages et dont les images demeureront à jamais fixées dans son imagination, quelles que soient ses occupations, sa carrière ou son métier. Si loin que l’emporte parfois sa destinée, il s’y attachera parce qu’il y sera parlé de lui et de sa tradition, des choses au milieu desquelles il aura passé sa jeunesse, des maisons et des édifices dont il connaît toutes pierres, de ce cortège de souvenirs dont son enfance aura été bercée.