Aller au contenu

Page:Revue pédagogique, second semestre, 1882.djvu/106

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée
98
REVUE PÉDAGOGIQUE

fait son avènement en France, armé de principes rationnels et de méthodes savantes non moins que de savoir technique.

I

De bons esprits s’inquiètent à la vue de ce flot de pédagogie primaire qui va grossissant. À les en croire, ils seraient tentés parfois de regretter le vieux régent et son humble routine ; ou plutôt ils invoquent le bon sens et l’expérience commune pour conjurer le péril d’une scolastique nouvelle, plus raffinée que l’ancienne et d’autant plus à redouter, pensent-ils, qu’elle est plus méthodique dans ses façons de procéder.

Il ne faut pourtant pas, en pareille matière, s’abandonner à la mauvaise humeur et juger sur de simples impressions. Comment se refuser à reconnaître qu’il y a, en effet, une science et un art de l’éducation, jusqu’à présent trop négligés dans leur application à l’ordre primaire ; c’est-à-dire un ensemble de principes, de règles générales, de procédés d’application fondés sur l’observation de la nature humaine ; que cette observation, ou psychologique, ou physiologique, ou morale, pour aboutir à des résultats positifs, doit se conformer aux règles de toute expérience scientifique ; que cet art a ses rameaux et ses branches : enseignement et éducation, éducation physique, intellectuelle, morale, esthétique, lesquelles ont à leur tour des règles particulières tenant à leur objet propre ou aux facultés qu’elles mettent en exercice ? N’est-il pas manifeste qu’il y a une bonne et une mauvaise manière de concevoir et de diriger l’éducation en général ; qu’il y a aussi un art de bien enseigner l’histoire ou la littérature, qui n’est pas celui d’enseigner les mathématiques, et qui varie lui-même selon l’âge des élèves ; qu’il y a de bons et de mauvais procédés pour développer ou rectifier le sens de l’observation, le jugement, le sens moral, l’imagination ; mais que tous ces rameaux se rattachent à un tronc commun, à une direction générale, qui elle-même dépend d’une certaine façon, instinctive ou réfléchie, de considérer la nature de l’homme et sa destiné ? Qu’est-ce que tout cela, sinon la pédagogie même ; et peut-on craindre de la faire trop rationnelle, c’est-à-dire trop conforme à la réalité, à la nature humaine observée de près et méthodiquement ?